De l’euphorie à la sanglante contre-révolution : amer 5e anniversaire de la Révolution

 De l’euphorie à la sanglante contre-révolution : amer 5e anniversaire de la Révolution

Le coup d’État mené en juillet 2013 par le chef de l’armée Abdelfattah al-Sissi a été suivi d’une répression féroce des mouvements d’opposition islamistes et laïque digne


Cinq ans après le début de la révolte contre Hosni Moubarak et les espoirs qu'elle avait suscités, l'Égypte se retrouve sous la coupe d'un régime autoritaire qui a laminé toute opposition sur fond de menace jihadiste et d'économie en berne. À l'exception des Frères musulmans, aucune autre force politique n'a annoncé son intention de manifester lundi pour l'anniversaire du soulèvement. 


 


Une révolution « enterrée »


Peine à croire en observant la situation égyptienne actuelle que le pays a connu il y a cinq ans un soulèvement qui a emporté un dictateur installé au pouvoir depuis près de 30 ans. Pour ce 25 janvier, anniversaire amer du début de la révolte égyptienne, la police a renforcé son dispositif de sécurité au Caire, notamment dans le centre-ville, où la place Tahrir, haut lieu de la contestation de janvier et février 2011, a été bouclée.


Le 25 janvier 2011, des manifestations énormes avaient débuté pour réclamer le départ du raïs dans la foulée du Printemps arabe commencé en Tunisie. Les Égyptiens réclamaient pain, justice et dignité, et étaient pleins d'espoir. Or, aujourd'hui, leurs demandes semblent loin d'être satisfaites, et la situation des libertés apparait identique, sinon pire, à celle de l’ère Moubarak.


 


Coup d’État militaire sanglant


Un an après des élections législatives et une élection présidentielle – jugées transparentes – remportées par les Frères musulmans, le chef de l'armée d'alors et actuel président Abdel Fattah al-Sissi reprend de force le pouvoir justifiant cette décision par les manifestations monstres réclamant son départ. L'été 2013 est le point de départ d'une répression sans merci contre le mouvement islamiste ; répression qui s'étendra ensuite aux mouvements laïques et de gauche.


Au moins 1 400 manifestants ont été tués dans la dispersion violente des rassemblements hostiles au coup d’État. Plus de 15 000 Frères musulmans –mouvement déclaré « terroriste »– et sympathisants sont emprisonnés et des centaines ont été condamnés à mort dans des procès de masse expéditifs dénoncés par l'ONU.


Pour Karim Bitar, chercheur à l'Institut des relations internationales à Paris, il est « aujourd'hui clair que la contre-révolution a triomphé et que tous les espoirs ont été douchés ». Les nouvelles autorités ont « réussi à domestiquer la totalité des contre-pouvoirs traditionnels » (justice, média, Parlement), estime le chercheur pour qui la révolution est « enterrée ».


 


Libertés et économie au point mort


L'opposition laïque et de gauche n'est pas en reste, comme le Mouvement du 6-Avril. À la pointe de la contestation de 2011, ce mouvement est aujourd'hui interdit. Plusieurs de ses dirigeants sont derrière les barreaux sous l'accusation d'incitation à la violence. Répondant à l'AFP, Gamal Eid, directeur du Réseau arabe des droits de l'Homme, basé au Caire, estime que l'état des droits de l'Homme « est pire qu'il ne l'était sous Moubarak ou sous le règne des Frères musulmans ».


« Les Égyptiens assistent, forcés, au retour de leur pays à un État policier », déplore de son côté Saïd Boumedouha, d'Amnesty International. Fatigués par les années d'instabilité ayant suivi la révolte, les Égyptiens ont soutenu dans un premier temps M. Sissi, ne voyant pas d'autre alternative. Mais aujourd'hui, ils « sont en colère. Leur situation économique et sociale empire de jour en jour », affirme Hazem Hosni, professeur de sciences politiques au Caire.


Même si les groupes jihadistes ont principalement ciblé les forces de l'ordre, faisant des centaines de morts dans leurs rangs, le secteur touristique, pilier de l'économie, a subi de plein fouet le contrecoup de l'instabilité et de l’insécurité à partir de 2013. Le crash dans le Sinaï (est) d'un avion russe transportant des touristes, revendiqué par le groupe jihadiste État islamique (EI), lui a porté un nouveau coup dur fin 2015.


Rached Cherif