« La dictée pour tous » fait une halte à Bourg-en-Bresse.
Depuis plus d’une dizaine d’années, Fatima Ait Bounoua enseigne le français dans des collèges de Seine-Saint-Denis. On la connaît aussi pour être chroniqueuse dans les Grandes Gueules de RMC. Elle a accepté de conduire « la dictée pour tous » qui fait étape ce samedi 9 mars à Bourg-en-Bresse. Mourad Amériou est l’organisateur de cette dictée. À cette occasion, il espère mixer les publics, « voir assis côte à côte les habitants des quartiers populaires et du centre-ville ». « L’idée c’est aussi de représenter toutes les générations », explique aussi Mourad. Pour Le Courrier de l’atlas, Fatima Ait Bounoua revient sur l’importance de la dictée.
Le Courrier de l’Atlas : Vous êtes une défenseuse acharnée de la dictée…
Fatima Ait Bounoua : Oui. La dictée est parfois vue comme un exercice stupide, sans intérêt. Avec mes élèves, c’est toujours un bon moment, même les plus difficiles d’entre eux s’appliquent à bien écrire. Il y a quelque chose de très rassurant pour certains enfants qui ont du mal à comprendre les consignes en général. Avec la dictée, ils se sentent rassurés parce que l’exercice est simple. On peut aussi par exemple préparer en amont une dictée, surtout pour les enfants qui ont des blocages avec l’orthographe, ou les enfants dyslexiques. Pour certains élèves, la dictée est une première approche pour se concentrer sur la langue. C’est un exercice qui s’effectue dans le calme. Cela les oblige à réfléchir sur l’organisation de la phrase, sur les accords, sur le bon mot à utiliser pour communiquer.
LCDA : Avez-vous toujours été bonne en orthographe ?
FAB : Non, pas du tout. Gamine, je faisais énormément de fautes. Le fait de n’avoir pas été bonne en orthographe est aujourd’hui une force en tant que professeur. J’arrive à comprendre plus facilement les erreurs de mes élèves et je sais ce qu’ils peuvent éprouver quand ils en font. Il faut donc à la fois les rassurer, ne pas faire de l’orthographe l’unique clef de lecture de ce qu’ils sont et font, mais en même temps leur expliquer que c’est important qu’ils progressent. C’est important aussi pour la compréhension avec l’autre : une faute sur un accord ou sur une ponctuation modifie le sens de la phrase.
LCDA : Comment vous êtes-vous améliorée ?
FAB : Je me suis améliorée parce que je suis tombée sur des professeurs qui m’ont expliqué que pour ne pas faire de fautes, il fallait réfléchir, que cela n’était pas du par coeur ! En intégrant les classes préparatoires (NDLR : Hypokhâgne et Khâgne), j’ai commencé à adorer la langue française. Par la suite, j’ai même fait un mémoire en stylistique (étude de la langue, du style) sur « La Place » d’Annie Ernaux. C’est bien la preuve que rien n’est perdu ! Personne n’est nul en orthographe : on peut tous surmonter nos blocages. Beaucoup d’adultes ressentent de l’humiliation parce qu’ils font des fautes d’orthographe alors qu’ils peuvent s’améliorer avec une aide extérieure.
LCDA : Vous travaillez en banlieue parisienne, dans des collèges où les élèves sont moins avantagés socialement, comment abordez-vous avec eux la dictée ?
FAB : Aujourd’hui, qu’on le veuille ou pas, l’orthographe est un marqueur social. C’est pour cela qu’il faut se donner les moyens pour s’améliorer. Dans certains métiers, on est jugé sur notre niveau en orthographe. Ne pas maîtriser l’orthographe peut être humiliant et dévalorisant.
Propos recueillis par Nadir Dendoune