Le plus dur reste à faire

 Le plus dur reste à faire

crédit photo : Benjamin Mengelle/Hans Lucas/AFP


Dans son édito du mois de juin 2017, le directeur de la publication revient sur les résultats de l'élection présidentielle française et sur ce qui attend le président Macron.


La France a échappé de justesse au tsu­nami, mais ce n’est que partie remise pour le Front national (FN). Si la bataille a été gagnée in extremis, c’est que le jeune outsider qui vient de remporter la présidentielle a bénéficié d’un incroyable concours de circonstances. Durant la campagne, Emmanuel Macron s’est positionné entre deux populismes : celui de la droite et celui de la gauche. Désormais installé à l’Elysée, saura-t-il manœuvrer pour maintenir à une distance respectable le loup lépéniste ?


Rien n’est moins sûr : même s’il a largement battu la candidate frontiste, c’est la deuxième fois en quinze ans que le parti d’extrême droite réussit à se qualifier pour la finale. Jean-Marie Le Pen avait ouvert la voie en 2002, réunissant 17 % des voix, en 2017, sa digne héritière a fait beaucoup mieux, elle a doublé ce score.


Maintenant que le poison a été largement distillé dans la société, qu’est-ce qui garantit que ce parti ne continuera pas son envolée, porté tant par le succès de ses thèses racistes que par la démission des élites, gauche et droite, comprises ?


Bloquer son ascension et retarder la chute ? La tâche est ardue tant l’extrême droite a fait son beurre en caressant dans le sens du poil les sentiments de déception et de peur bien réels que la France du “mal vivre” ressent dans sa chair. Des pans ­entiers de la France “d’en bas” prêtent désormais une oreille attentive au discours démonologique du FN, qui ne cesse de ­dénoncer les immigrés et l’Islam comme source des malheurs de l’Hexagone. Notons au passage que le FN de Marine a abandonné le discours antisémite de Jean-Marie pour les besoins d’une dédiaboli­sation ­réfléchie du parti.


 


Construire ensemble pour avancer


Par ailleurs, au lieu d’opposer un front du refus ferme aux idées mortifères du FN, la droite et la gauche se sont plutôt relayées pour chasser sur ses plates-bandes, histoire de grappiller quelques misérables voix. On a ainsi vu Manuel Valls relayer complaisamment “le problème” des immigrés, Nicolas ­Sarkozy ­fustiger violemment l’Islam ou encore François Hollande ­s’emmêler les pinceaux dans la fameuse déchéance de nationalité. En essayant de démontrer qu’ils sont plus aptes que le FN à résoudre les fausses questions que l’extrême droite a posées, ces partis rendent non seulement un fier service au fascisme montant, mais ils crédibilisent à coup sûr ses thèses fumeuses.


La France a dit non à la fracture, mais il faut aller plus loin, pour échapper à la haine et son corollaire, le rejet. Les premiers visés et premiers concernés, français musulmans et juifs, ont la lourde tâche de construire ensemble une alternative pour avancer. Cela suppose une prise en main de leur destin par ces Français de ­diverses origines pour s’extirper de ce jeu d’oppositions menant soit à une confrontation fratricide, soit à la guerre totale. Plus que les autres, ils ont la capacité de pratiquer l’échange, la compassion, la rencontre avec pour horizon un ­avenir commun dans une société traversée par une profonde crise d’identité. Cela ­devient aussi urgent que colossal.