Edito. Petites nations : s’abstenir !

 Edito. Petites nations : s’abstenir !

Lors du Forum des Mondes méditerranéens qui s’est tenu cette semaine, il a vanté « la richesse plurielle » des Français issus des diasporas du Maghreb. Tobias SCHWARZ / AFP / POOL

Edito. A lire les articles de presse parus ici et là sur les relations France-Maroc, on a l’impression qu’une simple énième crise est passée par là. Une simple saute d’humeur au plus haut niveau de l’Etat, qui sera vite dissipée par « l’amitié séculaire entre les deux nations » (sic). Sauf que non seulement, les canaux sont fermés et le principe de « vengeance » est toujours de rigueur, si on s’en tient juste à la question bien triviale des visas distribués par l’Hexagone aux Marocains.

 

Sur ordre de Macron (sinon pourquoi Gabriel Attal, se serait senti obligé de monter au front en novembre dernier pour défendre la décision inique de bloquer la délivrance des visas aux Marocains ?). « Depuis la crise sanitaire, on a des blocages avec plusieurs pays, notamment avec les pays du Maghreb. Réduire les visas est une mesure difficile mais qu’on assume tant qu’il n’y aura pas une coopération plus importante », avait indiqué Gabriel Attal le mercredi 10 novembre 2021 sur France info.

Sur la question de la délivrance de laissez-passer consulaires permettant de reconduire des personnes, séjournant illégalement sur le territoire français, vers leur pays d’origine, en réalité, les choses sont beaucoup moins simples que veulent bien les présenter les stratèges de Macron.

« Dans la grande majorité des cas, les personnes qu’on nous demande de reprendre ne sont pas marocaines », explique une source proche de ce dossier. Plus prosaïquement, il s’agit de personnes d’autres nationalités qui ne veulent pas être refoulées dans leur pays d’origine et qui arguent qu’elles sont de nationalité marocaine après avoir fait disparaître leurs papiers.

En réalité, il faut juste écouter ceux qui sont les plus attachés à la France pour comprendre que la réponse à la question est bien plus profonde. Selon les mots de Alain Finkielkraut : « La France est en train de devenir une petite nation », et cela, tous les pays qui ont subi pendant longtemps le joug de l’ex-puissance coloniale le ressentent et agissent aujourd’hui en fonction.

En France, aujourd’hui la censure n’est pas dans les textes de loi ou dans les prises de décisions officielles ou officieuses autant qu’elle est dans les esprits, il y a des vérités qu’il ne faut pas dire et on peut compter sur les grands médias pour ne pas les nommer.

Le déclassement du pays n’est pas à l’ordre du jour, alors que les crises diplomatiques à répétition et les revers que subit l’Hexagone dans tous les coins et recoins de la planète n’ont qu’un seul nom : des politiciens, le nez sur le guidon des présidentielles qui s’échinent à faire prendre les vessies pour des lanternes à une population tétanisée par la peur primaire de retomber sous le seuil de pauvreté, se foutent bien de la place de la France dans le monde et préfèrent la danse du ventre pour tenter de séduire un électeur volatile.

Si les cerveaux de l’Élysée ont réussi jusqu’à présent à évacuer les grands sujets qui se posent aujourd’hui, la cruauté de l’actualité est telle que les meilleures opérations de com du monde ne cacheront plus la descente aux enfers.

Face à la crise en Ukraine, l’effacement de la France fait rigoler les Américains qui ont repris pied sur ce dossier, et on observe ainsi une grande puissance qui prescrit ses lois à une plus petite.

En Afrique, le royaume du Maroc qui a décidé de tourner le dos à « cette petite nation » continue jusqu’à présent à le faire avec doigté et tact. Ce qui n’est pas le cas d’autres pays comme le Mali qui appelle à rompre définitivement avec Paris, comme le témoigne « l’invitation » le lundi 31 janvier, adressée à l’ambassadeur de France Joël Meyer « à quitter le territoire national dans un délai de soixante-douze heures », selon un communiqué lu à la télévision d’État.

Une mesure qui, selon les autorités maliennes, « fait suite aux propos hostiles et outrageux » tenus par le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, le 27 janvier, qui a reproché à Bamako de sommer le Danemark de retirer ses troupes déployées au sein de la force européenne « Takuba » (placée sous commandement français).

Au Moyen-Orient, malgré les effets de manche de l’équipe chargée de la diplomatie de Macron, la France a du mal à résister au rouleau compresseur chinois, quand ce n’est pas tout simplement la Russie, un pays du tiers-monde (au regard de sa puissance économique) ou encore la Turquie.

En Irak, les Français sont en train de perdre le contrat entre ADP Ingénierie et l’autorité de l’aviation civile irakienne portant sur la réhabilitation de l’aéroport de Mossoul, au profit des Turcs. Même topo au niveau des entreprises françaises de défense, qui sont en prospection à la veille du salon de défense IQDEX, qui se tiendra en mars prochain à Bagdad.

D’après les informations qui remontent de Bagdad, les Thales, Airbus ou encore Safran n’ont aucune chance face aux mastodontes américains ou aux géants chinois Norinco ou Poly Technologies.

Il existe bien à l’évidence une mystérieuse obsession française de croire encore et toujours en la supériorité de cette nation. Mais ce qui est affligeant cependant, c’est que l’Hexagone, aveuglé par son affairisme et une politique mercantiliste en Afrique, est coupable d’avoir trop longtemps caressé dans le sens du poil des dictateurs qui ouvraient toutes grandes les ressources naturelles du pays aux entreprises françaises, au mépris de leur population.

Il nourrit également le sentiment que la création de richesses est bloquée par cette dépendance, il conforte dans l’idée que si le niveau de vie est scandaleusement trop bas dans ces pays, c’est que les comptes publics et extérieurs ont un coût trop élevé́, en raison des bénéfices scandaleux des entreprises françaises qui opèrent dans ces territoires en pays conquis.

Ce plongeon historique ne s’arrêtera pas tant que la face cachée du pouvoir français continuera à ignorer les attentes des générations africaines actuelles et futures qui ne voient toujours pas pourquoi leur pays continuerait à s’empêtrer dans les jupes d’une nation en déclin.

 

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