Edito – Mensonges à la clé
On croyait les hommes politiques définitivement vaccinés contre le mensonge, surtout en période de pandémie. On peut piocher au hasard dans les paroles d’un Emannuel Macron qui continue à faire avaler aux Français des couleuvres en pagaille sur le reconfinement, la stratégie vaccinale, sur le dépistage, sur les personnes âgées de 65 à 75 ans non éligibles au vaccin AstraZeneca avant de l’être.
On peut aller plus loin et considérer qu’un petit gosse de cinq ans comprendrait qu’un Mohamed Ben Selman a bien donné ses ordres pour le découpage à la tronçonneuse du journaliste Khashoggi mais lui, continue de nier farouchement, un Saad Eddine Othmani qui regarde sans sourciller ses camarades durant la session de la commission nationale du Parti de la Justice et du Développement avant de fustiger violemment l’Etat hébreu alors que c’est bien le même chef du gouvernement marocain qui a signé, le 22 décembre, une déclaration conjointe entre les États-Unis, Israël et le royaume.
A ces aigrefins de gros calibre, on peut ajouter toute une armée de conseillers, chargés de com qui sont payés pour faire passer des ficelles qui, plus elles sont grosses et plus elles ont la chance de passer.
Bien sûr, il suffit de descendre un peu plus bas dans la hiérarchie politique pour se rendre vite compte que les élus et autres députés, pratiquent l’art de l’esbroufe avec autant si ce n’est plus de virtuosité que leurs maîtres. Le trumpisme est-il passé par là ? Certainement puisqu’on doit à l’ex-président américain une bien fière chandelle : c’est bien lui qui a inventé le concept de vérités alternatives.
Érigé en « mot de l’année » dans le dictionnaire d’Oxford, en 2016, à la suite de l’élection de Donald Trump, la post-vérité est définie comme « ce qui se rapporte aux circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence sur le public que ceux qui font appel à l’émotion ou aux croyances personnelles » et le dictionnaire d’enfoncer le clou en précisant que « l’idée même de vérité est devenue indifférente et caduque ». Machiavel qui pensait que « la politique est l’art du mensonge » est bien servi par ses héritiers modernes.
Alors le mensonge en politique est-il devenu un mal nécessaire ? A quoi correspond cette frénésie à gruger les autres ?
Bien sûr, il y a cet exemple réussi de Trump, un pouvoir absolu de quatre années qui a vu l’emprise collective du mensonge déboucher sur quelques 70 millions d’électeurs voués corps et âme au milliardaire. « Menteur pathologique », selon les mots même de Michael Cohen, son ex-avocat, Trump a érigé l’acte de mentir, en mode de management moderne avec la réussite à la clé.
Trop souvent, le danger apparait avec le mélange des genres entre affaires et politique comme on l’a vu avec la législature mouvementée de l’ex-vedette de téléréalité. A partir du moment où on se convainc que la question essentielle de la politique n’est pas celle de la recherche de la vérité, mais plutôt de la manière dont on se met d’accord collectivement sur des jugements fondés sur des vérités de fait, les dérives vers un monde où évoluent des individus pour qui la différence fondamentale entre le vrai et le faux n’a plus aucune importance devient une réalité.
Comment en vouloir alors aux menteurs à la petite semaine, le président de commune de l’Atlas ou un maire de petit village de la Corrèze ? « L’esprit de l’homme est ainsi fait que le mensonge a cent fois plus de prise sur lui que la vérité », notait Érasme dans son Éloge de la folie, publié en 1509.
Si la conscience que les registres entre vérité et mensonge ne doivent pas se confondre fait défaut, les politiques se muent tout bonnement en idéologues. Comment alors imaginer « un vivre ensemble » souhaitable qui intègre la véritable valeur de la démocratie, malgré sa nature fragile et imparfaite.
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