Edito. McKinsey dans l’œil du cyclone
Serait-ce le début de la fin de l’hégémonie du cabinet McKinsey ? Emmanuel Macron a beau crier sur tous les toits qu’il n’a rien à cacher sur ses liens avec le cabinet McKinsey, la justice française ne l’entend pas de cette oreille.
Le parquet qui vient de s’intéresser à l’hégémonie du cabinet McKinsey sur la base du rapport mené par la commission d’enquête sénatoriale sur le rôle de ce cabinet de conseil (entre autres) a tout d’abord constaté que les dépenses de l’État entre 2018 et 2021 avaient doublé pour dépasser le milliard d’euros.
Dans la foulée, les députés s’insurgeaient aussi contre les mensonges des dirigeants de la branche française de cette boîte, qui avaient assuré s’acquitter de l’impôt sur les sociétés alors que le cabinet ne payait aucun impôt dans l’Hexagone depuis dix ans grâce à un montage fiscal avantageux.
A la suite de cette affaire, le siège français de l’entreprise a été perquisitionné le 24 mai dernier, dans le cadre de cette enquête. En même temps des associations de victimes du Covid19 qui critiquaient devant la justice la gestion par l’État de la crise sanitaire, pointaient également le cabinet de conseil américain, qui a bénéficié de nombreux marchés liés à la pandémie.
Sur cette question, McKinsey avait obtenu une large part des contrats publics de 13 millions d’euros, pour des missions portant sur la vaccination, le passe sanitaire ou même les scénarios de reprise des transports collectifs. Emmanuel Macron n’avait pas hésité d’ailleurs à remercier dans un discours, le 21 juillet 2020, « les équipes de McKinsey & Company » pour leur « appui stratégique et méthodologique » !
On apprend ainsi qu’entre 2018 et 2021, McKinsey avait décroché une quarantaine de missions pour le gouvernement ou diverses agences de l’Etat, pour une enveloppe conséquente qui se situe entre 28 millions et 50 millions d’euros.
Pourquoi cette affaire qui vise l’un des plus gros requins du cabinet de conseil est intéressante à plus d’un titre pour nous autres, Marocains ? Parce que les scénarios sont les mêmes s’ils ne sont pas identiques puisque nous savons aussi que de ce côté-ci de la Méditerranée, Mckinsey est dans une position hégémonique et sa mainmise sur une grosse part des marchés publics est aussi une réalité. Comme les liens avec l’establishment sont eux aussi réels et bien avérés.
Une omniprésence qui fait que ses consultants interviennent auprès des entreprises privées et publiques sur des questions non seulement stratégiques, mais également organisationnelles. Vu les liens qui régissent tout ce beau monde, cette ingérence dans des choix de politique publique qui représente une vraie menace fait que certains choix de politiques publiques du royaume sont fortement dictés par ce cabinet de conseil, entre autres.
Au Maroc, n’y a-t-il plus de matière grise chez les commis de l’État pour qu’on se sente obligés de se payer à coups de millions de dhs une réflexion extérieure, avec le recours systématique à un cabinet de conseil qui, de surcroît, ne paye pas ses impôts dans le pays où il opère et qui en plus, traîne des casseroles dans son propre pays ? (Pour rappel, en 2021, aux États-Unis, le prestigieux cabinet de conseil McKinsey avait accepté de verser 573 millions de dollars pour solder des poursuites judiciaires lancées par des États américains qui l’accusaient d’avoir contribué à la crise des opiacés via ses conseils aux groupes pharmaceutiques dont Purdue Pharma, le fabricant de l’Oxycontin à la suite de laquelle, près d’un demi-million d’Américains étaient morts d’overdose causée à la fois par des opiacés prescrits ou vendus illégalement entre 1999 et 2018.)
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