Edito. Maroc – Le crépuscule des islamistes

 Edito. Maroc – Le crépuscule des islamistes

Le Premier ministre marocain, Saad Eddine El Othmani, à Rabat, au Maroc, le 17 juin 2021. STRINGER / AGENCE ANADOLU / Agence Anadolu via AFP

Est-ce que l’heure de la disparition du parti des islamistes a bien sonné ? Le PJD va-t-il être emporté par ce tourbillon que les marxistes appellent le sens de l’histoire ? Montesquieu pensait que « tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abuser » ; or depuis son accession au pouvoir, le PJD qui est au plus bas de sa forme, a été usé par un exercice du pouvoir hors de ses compétences.

 

Depuis qu’il a quitté son rôle de parti d’opposition, où sa démagogie ne rencontrait aucune limite, la formation salafiste décline, la médiocrité de ses ministres et surtout la mise en place d’une politique d’austérité par le gouvernement ont fait perdre à ce parti une grande partie de ses attraits.

L’augmentation des prix bien avant la crise du Covid, la baisse des remboursements des soins médicaux et le recul de l’âge de la retraite ont refroidi cet électorat auquel Benkirane promettait, naguère la baisse des loyers, des factures d’eau et d’électricité, sans compter la promesse la plus démagogique, celle d’instaurer un revenu minimum à chaque Marocain sans emploi.

Même la question qui agitait hier les esprits pour savoir avec qui les islamistes vont s’allier pour emporter les élections ou du moins se positionner de la meilleure manière n’est plus un secret pour personne : la formation de Saad Eddinne Othmani vient de miser sur un mauvais cheval, et même le pire de tous, le PAM. L’ennemi juré d’hier, le Parti Authenticité et Modernité, créé spécialement pour combattre les islamistes s’allie aujourd’hui avec eux dans l’espoir de piloter le futur gouvernement. Autant demander au loup de surveiller la bergerie !

Les observateurs politiques n’ont pas vraiment mesuré la gravité de cette alliance contre nature pour l’avenir du PJD. La direction du parti qui a décidé envers et contre l’opinion de ses bases de s’assoir à la même table que le PAM doit faire maintenant face à un véritable casse-tête. Dans cette tentative désespérée de dédiaboliser le PJD pour espérer décrocher un bon score aux élections communales et législatives, il y a aussi le besoin de se mettre à l’abri de mauvaises surprises à caractère géopolitique.

En effet, les islamistes n’ayant plus le vent en poupe, la tentation de les faire passer au pilori va être de plus en plus grande dans les pays arabes. Si le scénario à l’égyptienne est peu probable au Maroc, l’exemple tunisien où les islamistes sont dans une bien mauvaise passe devrait donner à réfléchir à un PJD qui a beau se rebaptiser « parti à référentiel musulman » au lieu de l’appellation d’origine « parti islamiste » n’est jamais arrivé à se laver de l’accusation de « parti islamiste qui exploite la religion à son profit ».

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Les islamistes du PJD, c’est un peu Rousseau, auteur d’un magnifique ouvrage sur l’art d’éduquer un enfant… et qui va finir par abandonner ses gosses à l’Assistance publique !

En Tunisie, l’avenir d’Ennahdha n’est plus un secret pour personne, avec la volonté affichée du pouvoir d’exiger l’annulation des résultats électoraux dénoncés par la Cour des comptes, après les arrestations puis la libération de certains de leurs alliés salafistes d’Al Karama, la mise en cause de Rached Ghannouchi dans des assassinats politiques et le refus de voir le gourou siéger encore au Parlement.

Sauf que, plus ce parti se dédiabolise, plus il risque de voir se détourner la base des salafistes purs et durs qui veulent renverser la table, et qui constitue le gros des troupes, en particulier dans les rangs du MUR, le bras idéologique du PJD. Est-ce que cela peut avoir des conséquences sur la campagne électorale à venir ?

Évidemment, puisque jusqu’à présent, le succès des islamistes, s’expliquait principalement par la fidélité de leur électorat.

L’émergence de tensions au sein du PJD, voire des tentatives de remplacer El Othmani à la suite de ses échecs, que ce soit par Benkirane qui se prépare déjà à reprendre le flambeau ou d’autres jeunes loups embusqués et prêts à tout pour vivre leur heure de gloire. Un Benkirane exclu de la course aux strapontins est le meilleur cadeau que les cadors du PJD aient pu faire au trublion salafiste, puisque cette exclusion lui donne une aura renouvelée pour paraître comme le dernier recours face au naufrage du PJD.

Mettre en tête d’affiche d’anciens losers comme Mustapha Khalfi (l’ex-ministre de la Communication sous le gouvernement Benkirane) ou d’illustres inconnus tels que Najib El Bakkali qui remplace Saad Eddinne Othmani dans la bataille électorale à Mohammedia ou encore des personnages en délicatesse avec la justice à Marrakech comme Mohamed Larbi Belcaid poursuivi pour dilapidation des deniers publics.

Notre grande affaire, aujourd’hui, c’est désormais comment faire pour chasser cette bande de Tartuffes, un défi d’une telle ampleur qu’on ne fera pas au pouvoir le procès prématuré dans le cas où il appliquerait aux islamistes une chirurgie expéditive.

Le politique n’a jamais souffert de trahir des chimères, bien au contraire. Un jour peut-être, on s’enorgueillira d’avoir sacrifié les « parvenus » du printemps arabe pour sauver une Nation en péril. Si la politique est avant tout une question de morale, de conviction, de foi même, il revient aux véritables politiques qui sont vraiment aux commandes de dissiper, à leur tour, l’enfumage salafiste. Autant leur ôter les masques avant que l’Amérique ou l’occident se ligue pour nous imposer de les leur arracher !

 

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