Edito. Maroc/Députés : Clap de fin du cirque
Quelle mouche a donc piqué ces honorables députés pour s’appliquer à voter ce fameux article 28, qui reconnaît les personnes intersexuées ? Le projet de loi sur l’état civil, portant le n° 36.21, autorisant la mention « hermaphrodite » lors de l’enregistrement de la naissance d’une personne, a été adopté à l’unanimité par la Chambre des représentants.
La question qui touche un pourcentage quasi inexistant de la population marocaine était-elle aussi urgente pour faire l’objet de cet admirable consensus ? N’y aurait-il pas d’autre sujet de préoccupation majeure chez les Marocains ?
Voilà des « représentants » du peuple qui ergotent sur le sexe des mouches au moment où le pays s’enfonce dans la crise économique, que des millions de Marocains jetés à la rue pour cause de Covid ne savent plus où donner de la tête, que les perspectives d’une nouvelle vague assombrissent les scénarios les plus optimistes et que les ennemis extérieurs pullulent.
Le pire dans tout cela, c’est que ce sont ces mêmes caciques qui affutent leurs armes pour revenir dans l’hémicycle dans quelques mois, à l’occasion des législatives, et qui poussent des cris d’orfraie quand on évoque le taux d’abstention de citoyens désabusés qui considèrent désormais que les élections ne les concernent pas puisque de toutes les façons, leurs résultats ne changeront rien à leur vie.
Et on se pose encore des questions sur le ras-le-bol électoral de la majorité des Marocains qui ne veulent pas (d’abord) voter pour ces « ripoux », comme on ne veut pas voir dans les désastreux scores de participation la responsabilité directe de ces politiques qui tiennent les manettes.
Depuis bien des décennies, l’abstention structurelle est nourrie par le sentiment chez les masses qu’il n’y a pas de véritable offre politique. Et les élus étant déconnectés de leurs préoccupations, il n’y avait rien à attendre d’élections qui ne changeront rien à leur quotidien.
Quand la réalité électorale explose à la figure de manière aussi crue, c’est que le pouvoir politique est nu comme un ver. Bien sûr, on peut toujours évoquer la fameuse vulgate marxiste qui veut que l’immoralité et la corruption des gens d’en-haut rejoignent parfaitement celles de la société d’en bas.
Mais force est de reconnaître que les idéaux sociétaux qui faisaient vibrer les foules des années 60 ont donné lieu et place à un monologue politique qui n’est même plus capable de panser les blessures psychologiques de l’anxiété économique.
La faillite des politiques ne se résume pas seulement à un manque de courage mais il y a aussi la coupure franche avec les couches populaires, le manque de tribuns est tellement flagrant que très peu de leaders de partis ont encore la capacité d’expliquer aux masses ce qui se passe vraiment. Du coup ils cèdent à la surenchère d’annonces qui ne sont pas du tout crédibles.
Pire encore, les citoyens découvrent petit à petit par le bouche à oreille des réseaux sociaux que les appareils des partis, à quelques encablures de la campagne électorale, s’activent dans le secret pour négocier des accords qui permettront à des barons locaux de remodeler la carte électorale à leur guise.
Le Waterloo électoral qui se profile à l’horizon devrait pourtant inciter les partis politiques en lice à faire plus d’efforts pour empêcher cette bérézina qui n’aura, certes, aucun impact sur l’issue des scrutins.
Le probable ayant peu de chances de se produire en politique, il restera une certitude : les loosers qui tiennent les commandes seront certainement encore et toujours de la partie à l’issue des législatives de septembre 2021.
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