Ecouter ce que ces filles ont à nous dire

 Ecouter ce que ces filles ont à nous dire

Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Cette fois-ci, c’est une enquête choc sur la vie des jeunes filles de 13 à 20 ans qui m’interpelle. Dans un ouvrage au titre explicite, « Ce que nos filles ont à nous dire », Florence Pagneux, a donné la parole à de jeunes filles qui ne manquent « ni de courage, ni de discernement et encore moins de sagesse ». Ingrédients majeurs pour bousculer les idées préconçues sur ces êtres que nous voyons tous les jours grandir sous nos yeux sans saisir vraiment les messages qu’elles s’efforcent de nous communiquer.

 

« Dans la rue, souvent j’ai l’impression d’être comme une proie », des propos qui sont rapportés par la journaliste qui rappelle que « deux tiers des jeunes filles sont harcelées. Passé 16 ans, qu’elles vivent en ville ou à la campagne, plus aucune n’y échappe. Leur corps, revendication ou prison, n’est jamais neutre. Chaque choix, trait de personnalité, sur tout, elles se savent jugées. Par tout le monde. Et c’est peut-être là l’inégalité la plus flagrante d’avec les garçons. L’insouciance et la spontanéité leur sont interdites ».

En relayant la parole de plus de 800 jeunes filles, l’autrice a mené une enquête sur ce qu’une société ne peut plus ni ignorer ni tolérer. Elle révèle aussi leur finesse d’analyse, leur bienveillance en dépit des injustices, leur avis sur le féminisme, leur vision du genre, les métiers qu’elles ambitionnent et surtout la détermination à ne plus se laisser faire.

Je n’ai aucune sympathie pour le féminisme qui chercher à séparer plus qu’à concilier mais en tant que père, je n’ai pas pu résister à prendre bien entendu le titre « nos filles », au premier degré. Parce que le bonheur d’avoir dans sa vie quatre filles (Hasna, Leila, Sarah et Selma pour ne pas les citer) m’a permis de comprendre très tôt que l’amour du père envers sa fille est si important qu’il va finir par façonner son rapport aux hommes pour toute sa vie. C’est l’amour du géniteur qui reste l’amour fondateur d’une relation idéale où se croise un mélange d’admiration, d’amour et de tendresse. 

De nos jours, la relation père-fille a beaucoup évolué et l’écoute de « ces filles qui n’entendent pas baisser la tête » comme le dit l’autrice nous interpelle d’autant plus que ces petits bouts de femmes semblent « plus conscientes et matures que les générations précédentes, dans une société qui, elle, a peu bougé ». 

Dans un monde qui leur est toujours aussi peu respectueux, voire bien plus hostile que le monde d’hier qui au moins avait ses codes, il est nécessaire que les hommes (qui détiennent toujours le pouvoir) mettent un peu d’eau dans leur vin dès qu’il s’agit de jeter un regard sur la femme. 

Dans le Contrat social, Rousseau pensait que « l’homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux. » Ce qui vaut pour l’homme avec un grand « H » vaut encore plus pour sa douce moitié.

De même Diderot pensait comme Rousseau qu’« aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison », cette liberté ne doit pas rester l’apanage de l’homme. Et je pense que la première liberté revendiquée de la femme, c’est d’avoir droit à un autre regard de la part des hommes. 

Car il faut le dire ici, entre les hommes et les femmes il y a d’abord le regard : le regard tendre d’un homme pour sa fille symbolise quelque chose de positif, tandis que les regards qui oppressent la femme viennent d’une frénésie mal conduite qui ne voit dans l’autre sexe que l’objet sexuel. La femme est toujours présente dans le regard de l’autre, tel est le tragique d’une relation toxique nourrie par des réflexions d’un autre temps, pleine d’imaginaires. Le regard masculin qui n’est souvent qu’une compensation de plus à de nombreuses frustrations. Quand l’homme laisse remonter violemment en lui sa partie animale, il ne voit plus en l’être féminin un individu quelconque, mais plutôt un être comestible.

Cet extraordinaire attrait pour l’autre sexe n’est pas un mal en soi mais quand il est l’unique déterminant des relations à l’autre, il devient un problème. Je sais, il faudra beaucoup de courage pour les hommes de changer ce regard mais c’est le seul prix à payer pour une relation enfin apaisée avec l’autre sexe. A moins de prêter l’oreille à ce que dit si bien Nizâr Kâbbani :

Ramassez tous les livres que j’ai lus durant mon enfance

Ramassez les craies

Ramassez les stylos

Ramassez les tableaux noirs

Et enseignez-moi un nouveau mot pour que j’en orne, telle une boucle, l’oreille de mon aimée.

Dieu merci, les faux débats sur « la libération de la femme » portés par une bande de féministes enragées sont encore considérés par la majorité des femmes marocaines, au mieux comme « du rouge à lèvres sur la morve » et au pire inutiles pour faire avancer la cause féminine.

Et plus encore, les décideurs de ce pays, au plus haut niveau de l’Etat considèrent, à juste raison d’ailleurs, toutes ces révisions proposées en Occident comme bien aventureuses. Toucher à ces question sociétales, c’est ouvrir la boite de Pandore et préparer le terrain à toutes ces surenchères en vogue dans l’occident comme l’IVG, le droit de « tromper » son mari ou sa femme, l’euthanasie, le droit à changer de sexe, etc., dans un pays justement perclus de problèmes d’une tout autre urgence.

Le traitement des maux d’une société qui traite mal la moitié de sa population par sexisme, ne se fait pas en se mobilisant sur des sujets virtuels mais en inscrivant sur le fronton de chaque école, de chaque foyer, de chaque entreprise, le devoir de respect que l’on doit à sa sœur, sa mère, son épouse, sa collègue ou encore l’inconnue sur le quai d’une gare.