Le Maroc, modèle d’émergence pour l’Afrique
Sous les lumières feutrées de l'Hôtel de l'Industrie à Paris, ministres, chefs d'entreprise et acteurs économiques ont tenté durant 3 heures de répondre à cette question : Le Maroc est il un acteur d'émergence pour l'Afrique ? Un débat passionnant qui a mis en avant le travail réalisé par le Royaume pour produire du co-developpement avec l'Afrique tout en instaurant un modèle de croissance particulier.
Le débat organisé par le la Conférence du Club Afrique de la presse Parisienne (CAPP), www.africaPresse.Paris (APP), le club 2030 Afrique et la Compagnie Générale de Communication (CGC) a répondu à toutes les promesses. Dans le cadre idyllique de l'Hôtel de l'Industrie, les participants étaient à la hauteur : Mohcine Jazouli (ministre marocain chargé de la Coopération Africaine), Lionel Zinsou (ancien premier ministre du Bénin), Marie-Ange Debon ( DGA du Groupe SUEZ), Youssef Rouissi (DGA d'Attijariwafa Bank), Etienne Giros (Président délégué du CIAN), Karim Bernoussi (PDG d'Intelcia), Rima Le Coguic (Directrice Afrique de l'AFD) et Khaled Igué (président du club 2030 Afrique et ancien Directeur des partenariats publics Afrique de l'OCP). Animé par Alfred Mignot, président du CAPP, les arguments ont été de haute tenue afin de comprendre ce qui faisait la force du Maroc et ce qu'il convenait d'améliorer.
Le ministre marocain de la coopération africaine, Mohcine Jazouli a rappelé la vision de co-développement du Maroc. Pour lui, pas de secrets : "L'Afrique doit faire confiance à l'Afrique". Expliquant que le roi Mohammed VI a effectué 50 visites et signé plus de 1000 accords avec une trentaine de pays, il a insisté sur le fait que la diplomatie marocaine visait à créer un cadre de coopération avec le continent. Cette vision portait non seulement sur des projets intermédiaires (5 millions d'Euros) ou des grands projets (projet de l'OCP en Ethiopie de 3 milliards d'euros) mais aussi dans l'accompagnement de l'Afrique dans le domaine social, culturel ou cultuel. Le ministre a également mis en avant la stratégie de diplomatie tripartite mise en place par le royaume que ce soit avec la Chine par exemple (Chine-Maroc-Afrique). A long terme, la position de hub du royaume devrait permettre de mettre en place d'autres actions triparties (France-Maroc-Afrique, UE-Maroc-Afrique, etc..). Le ministre a relevé aussi le rôle du port de Tanger Med et les travaux à réaliser notamment sur l'eau et l'énergie. Pour lui, il est nécessaire que les grandes institutions internationales comme le FMI, appliquent des politiques plus souples notamment pour les pays africains. "Le Maroc peut servir de pont à l'Afrique. Il faut comprendre qu'il s'agit de partenariats gagnant-gagnant."
De son coté, Lionel Zinsou, ancien premier ministre du Bénin, a relevé les bons indicateurs du Maroc. En effet, le Maroc est le 1er investisseur africain en Afrique de l'Ouest et le 2nd dans toute l'Afrique. Cette stratégie visant plusieurs secteurs (banques, assurances, transport, logistique, environnement) est celle d'un pays qui a "envie" de partenariats, selon le président cofondateur de la banque d'affaires Southbridge. Lionel Zinsou a insisté sur le fait que le Maroc vivait les mêmes problèmes que le reste de l'Afrique et pouvait apporter une expertise sur cette question. Pour lui, les problèmes d'emploi, de croissance doivent être réglés par les Africains et le Royaume montre le "mode d'emploi", notamment avec la récente industrialisation (automobile et aéronautique)
Parmi les chefs d'entreprises, les expériences de Suez, Intelcia, Attijariwafa Bank et l'OCP ont permis de mieux saisir ce qui fait la force du Royaume en Afrique. Ainsi, Karim Bernoussi a relevé l'expérience de son groupe qui après avoir travaillé dans un premier temps pour un client français a su changer son fusil d'épaule. Profitant de la force du offshoring, il a expliqué comment son groupe a racheté une société en France, puis s'est mis à développer du offshoring à Douala au Cameroun. Le récent accord avec Altice lui permet non seulement de récupérer les contrats de cette société mais également des positions à Madagascar notamment. Visant 30 000 collaborateurs à l'horizon 2020 alors qu'il embauche déjà 13 000 collaborateurs dans le monde actuellement, le PDG d'Intelcia a souligné que sa société visait des acquisitions et surtout du management local pour développer une classe moyenne africaine.
Khalid Igué a insisté sur la décision importante de l'OCP (office Chérifien des Phosphates) quand elle investit ; le social business qui permet de créer un véritable écosystème autour de ses activités. Pour le président du Club 2030 Afrique, il n'y a pas de secrets si l'on veut que le Maroc émerge. "Il faut stimuler des champions africains. Le Maroc travaille avec l'Afrique et non pour l'Afrique. Il nous faut 10 Marocs en Afrique".
Dans le secteur bancaire, Attijariwafa Bank est l'une des trois banques marocaines leaders en Afrique. Son Directeur général Adjoint, Youssef Rouissi a insisté sur la volonté de bancariser l'Afrique qui a de grands potentiels (actuellement 20% de bancarisation voire moins dans certains pays). Il a également insisté sur le paramètre du temps qui permet à sa banque de mieux saisir le paramètre risque et de pouvoir fermer et rouvrir ses agences lors de soubresauts politiques.
Enfin, Marie-Ange Debon, du groupe Suez, s'est félicité des avancées effectuées avec la filiale marocaine qui permet aujourd'hui d'avoir des compétences importantes. Elle a expliqué ainsi que le Maroc servait de laboratoire pour la digitalisation des activités liées à l'eau. Elle a relevé le bon niveau de formation et managériale qui permet de créer un environnement favorable pour l'écologie notamment au travers de discussions avec les agriculteurs ou les cimentiers.
Du coté des institutions, l'AFD a rappelé que le Maroc était le premier récipiendaire de l'aide de l'AFD. Rima Le Coguic a insisté sur le fait que les partenariats visait à renforcer l'aide Sud-Sud également. Pour elle, les points noirs du modèle marocain reste la question du genre (seulement 21% des femmes travaillent au Maroc). Elle a insisté pour que les femmes soient mieux incluses dans le système économique et qu'une aide était à l'étude pour permettre une meilleure prise en compte de ce paramètre.
Enfin, Etienne Giros, président délégué du CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique) a rappelé que le Maroc avait une vraie stratégie pour l'Afrique, là où la France envoie des signaux "faibles" pour le continent. Mr Giros a surtout voulu rassurer les investisseurs en indiquant qu'il fallait "dé risquer" l'Afrique. "Chacun des risques en Afrique peut être solutionné." Enfin, il a appelé de ses voeux une meilleure intégration régionale pour répondre aux besoins du marché et à la possibilité pour les investisseurs d'avoir un marché de taille optimale.