Karim Oumnia, l’inventeur des chaussures du futur
Cet ingénieur ultra-connecté, Géo Trouvetou de génie, part à la conquête de la Silicon Valley et du reste du monde avec ses semelles connectées révolutionnaires.
Rien que ça ! Ce soir-là, sur son smartphone, Karim Oumnia reçoit un mail de Steve Wozniak. “Woz” pour les intimes n’est autre que le cofondateur d’Apple avec Steve Jobs. Un gourou de la communauté geek mondiale. “Je l’ai rencontré aux Etats-Unis, lors du concours mondial des start-up. Il était membre du jury”, précise humblement l’ingénieur. Car sa société, Digitsole, s’est hissée en finale en mars dernier à San Francisco. Un cocorico pour les entreprises françaises, d’autant qu’il avait déjà remporté la compétition en Europe. L’entreprise est une habituée du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, où son stand, aux couleurs de la French Tech, était pris d’assaut par les visiteurs, parmi lesquels Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie : “Il a aimé notre philosophie de l’innovation et a été bluffé par notre smartshoe auto-laçante.” Mais Karim Oumnia garde la tête sur les épaules.
Un double savoir-faire : high-tech et textile
Loin d’être un gadget, cette semelle connectée, pilotée par smartphone, uniquement chauffante à sa création en 2013, est devenue un véritable objet scientifique. Pour preuve, une de ses fonctions parmi d’autres : la détection des risques de blessure et de fatigue en temps réel. Une semelle interactive : “Elle communique avec vous, peut vous coacher pendant la course et vous prévenir si votre foulée est bonne et régulière. C’est pratique et bon pour la santé”, explique son créateur.
Ce produit est commercialisé dans une trentaine de pays et des partenariats avec le monde de l’entreprise sont déjà signés. Un accord a par exemple été conclu avec un groupe de travaux publics français, car Digitsole s’est désormais adaptée aux chantiers, en capacité notamment de mesurer la pénibilité du travail des ouvriers, un sujet d’actualité : “C’est une question de sécurité. De la même façon, nous sommes en train d’adapter nos semelles pour le monde médical”, explique Karim Oumnia. Une mine de données désormais exploitables et une révolution à laquelle les consommateurs ne devraient pas avoir de mal à s’habituer.
Est-il inquiet de se faire copier par un géant mondial du sport, lui qui est basé à Nancy, loin de la capitale ? “Non, nous avons un temps d’avance, et une expertise propre à notre histoire. Il est très difficile de fabriquer une chaussure légère et connectée. Il faut un savoir-faire double : high-tech et textile, ce que nous avons su développer.” Son équipe, véritable pépinière de talents, est à l’image du boss : éclectique et multiculturelle. “J’ai récemment engagé un ingénieur en intelligence artificielle, réfugié syrien. Ses qualités humaines m’intéressaient tout autant que son savoir”, se targue l’entrepreneur.
Dans la cour des innovateurs du siècle
Pourtant, rien ne prédestinait Karim Oumnia, fringant quadragénaire à l’énergie communicative, à s’introduire dans la cour des innovateurs du siècle. Arrivé en France dans les années 1990, après ses études à Polytechnique d’Alger, il intègre les Mines à Nancy et, après ses premiers jobs chez des équipementiers sportifs, il crée ses propres marques. Ce sera d’abord Baliston, une ligne de sportswear, qui habillera notamment plusieurs clubs de Ligue 1 de football, puis Glagla Shoes et ses baskets les plus légères au monde. Enfin, il s’oriente vers le numérique, avec ses deux pépites Digitsole et Zortech…
Un entrepreneur reconnu, décoré de l’ordre national du Mérite en 2008, que Jacques Chirac emmena avec lui en Algérie, à l’occasion d’un voyage présidentiel. Pour se développer, le PDG de Digitsole est en cours de levée de fonds : “Si l’on veut devenir un géant, il faut aller vite, et pour ça, il faut les moyens…”
MAGAZINE JUILLET-AOUT 2017