Christine Delpal, une bulle de résistance dans le chaos

 Christine Delpal, une bulle de résistance dans le chaos

crédit photo : Karawan


En 2004, cette anthropologue et photographe a créé Karawan, entreprise spécialisée dans la fabrication de savons d’Alep, au sein même du souk de la ville syrienne. Après cinq ans d’arrêt imposé par les bombes, la production vient d’être relancée. 


Ce petit cube de savon illustre un savoir-faire ancestral et fait partie intégrante du patrimoine culturel de la Syrie, berceau de l’humanité. En créant Karawan Authentic, à Lyon, il y a près de quinze ans, Christine Delpal a choisi cet objet du quotidien pour incarner cette rencontre métissée entre l’Orient et l’Occident.


Anthropologue, grande connaisseuse du terrain syrien, c’est avec un ami savonnier du souk d’Alep que la Française lance en 2004 son entreprise, dans le but de faire connaître ces pépites locales, de faire face aux contrefaçons (l’appellation “Alep” n’étant pas protégée), et d’y apporter une “French Touch” raffinée, en y intégrant des parfums naturels de Grasse (Alpes-Maritimes).


Le site de fabrication s’implante dans le cœur historique d’Alep. L’entrepreneuse investit dans des machines et des moules en bronze sophistiqués pour “redesigner” les savons emballés sur place, avant de les importer sur le marché haut de gamme européen, notamment en France et en Allemagne – qui assure 40 % du chiffre d’affaires de Karawan depuis des années. Celui-ci atteint le million d’euros en 2008 !


 


Elle doit se tourner vite vers d’autres savons


Seulement, dès 2011, la situation se dégrade en Syrie, et les ruptures de stock engendrent un fort impact sur les ventes. Le centre-ville d’Alep est en alerte rouge et le site de fabrication des savons Karawan est pillé, avant que la savonnerie elle-même ne soit réduite en cendres… En femme d’affaires réactive, Christine Delpal rebondit avec la production artisanale de savons ayurvédiques en Inde, sauvant ainsi Karawan des affres de la guerre en Syrie. La perte financière pour l’entreprise est considérable.


Mais l’entrepreneuse humaniste veut croire en une reconstruction. En attendant que se remette sur pied son partenaire historique, cette famille syrienne à laquelle elle est très liée, l’entreprise Karawan travaille avec d’autres artisans du bout du monde, pour compenser les pertes et stabiliser son chiffre d’affaires.


 


Une levée de fonds de 200 000 euros


Après cinq ans d’arrêt, une nouvelle équipe syrienne se fonde et s’implante dans une zone sécurisée, à 70 km d’Alep, dans la région de Gaziantep, en Turquie. En 2018, la production de savons reprend, avec un conditionnement assuré en France. Pour rendre possible cette renaissance de la filière d’Alep, Christine Delpal fait une levée de fonds de 200 000 euros et investit dans de nouvelles machines pour créer une gamme de savons premium. Le défi semble déjà relevé, avec un démarrage prometteur des ventes. Côté partenariat avec la Syrie, l’objectif de la Française est de continuer à soutenir l’artisanat local et de reconstituer un atelier à Alep, et de pérenniser des emplois.


En France, elle souhaite faire connaître la vraie qualité de ce savon, emblème de toute une culture, pour “rendre aux Syriens ce qui leur appartient”.