A Tunis, Attali n’a pas réinventé la roue

 A Tunis, Attali n’a pas réinventé la roue

Youssef Chahed (D) et Jacques Attali à la conférence économique internationale sur le thème de l’« évolution de l’économie mondiale et la place de la Tunisie » tenue à Tunis


« Si vous voulez réussir, pensez à mettre en place une Tunisie positive, une Tunisie qui travaille pour l’intérêt des générations suivantes et pourquoi pas à établir un plan Tunisie 2030 dans lequel vous inscrirez toutes les stratégies et actions devant servir cette fin ». Un peu léger ? C’est en somme l’appel adressé aux Tunisiens, par l’économiste, écrivain et ex conseiller des présidents, Jacques Attali. 


Après la conférence internationale de levée de fonds Tunisie 2020 l’an dernier, la Tunisie aura donc à un très original « Tunisie 2030 ».


Animant, hier lundi, avec le ton souvent quelque peu hautain et un tantinet pédant qu’on lui connait une conférence économique internationale sur le thème fleuve de l’«évolution de l’économie mondiale et la place de la Tunisie », le lobbyiste a estimé que « dans un contexte incertain où la probabilité de mettre en place un état de droit planétaire est encore difficile à prévoir, ce qui fait la place relative d’un pays, c’est d’abord sa capacité à établir un Etat de droit stable, à connaitre ses atouts (position géographique, histoire, ressources naturelles…) et à être positif ».


« Soyez positifs ! »… mais comment n’y avions nous pas déjà pensé ?!


Une expression plutôt absconse de la « positivité » qu’il tente d’expliciter : « une économie positive c’est une économie qui travaille dans l’intérêt des générations suivantes. Un pays ne peut avancer que s’il est positif ; c'est-à-dire lorsque chacune des décisions qu’il prend doit servir l’intérêt des générations à venir. Plus un pays est positif, plus son niveau de vie est élevé, plus il résiste aux crises et plus le bien-être y est généralisé ». Eurêka !


Toujours selon l’économiste français, et autre lapalissade, la Tunisie dispose d’une multitude d’atouts, dont son contact direct avec la mer. « Tournez-vous vers la mer, a-t-il appelé. La mer comme enjeu stratégique, comme une source de l’histoire mais aussi d’avenir. Votre port en eaux profondes constitue un enjeu absolument stratégique. Vous devez l’accomplir le mieux, le plus vite et le plus vaste possible ».



Décidément porté sur des questions de mégalomanie macroéconomique, il ajoute « la question pour vous sera, quels seront les ports qui relieront, dans le futur, l’Europe à l’Afrique. Est-ce celui de Tanger seulement ? Ou y aura-t-il un port tunisien qui assurera aussi cette liaison ? »


Un autre atout de la Tunisie, selon Attali, c’est l’Afrique. Péremptoire dans ses « instructions », il s’exclame :« tournez-vous vers le sud. Il n’est pas normal que vous ne soyez pas encore membre de la COMESA. Il n’est pas normal non plus que vous n’avez pas assez développé votre présence (banques, institutions, compagnie aérienne…) sur un marché de 2 milliards et demi d’habitants dans 30 ans ».


Parmi les avantages de la Tunisie figurent également, selon l’ex-conseiller de François Mitterrand « son appartenance à la francophonie, mais aussi au monde arabe dont le potentiel de développement est gigantesque et pour lequel la Tunisie pourrait incarner la volonté de modernité », au cas où vous ne l’auriez pas encore remarqué.


L’économiste français a également évoqué la dimension européenne de la Tunisie, soulignant à ce sujet « vous faites partie de l’Europe en quelques sorte. Le destin de l’Europe dépend de ce qui se passe en Afrique, et donc de ce qui se passe en Tunisie. Aider la Tunisie n’est pas un acte altruiste mais un acte rationnel voire un acte égoïste. Le développement de la Tunisie c’est la condition de maintien de la société occidentale. La Tunisie étant l’un des points de passage pour les immenses potentialités africaines ». « Potentialités », un mot qui revient souvent dans le lexique Attaliste, sans pour autant indiquer le moyen de financer lesdites potentialités.


"L’expérience tunisienne, si elle réussit, sera un signe d’espoir pour le monde entier. Si elle échoue, ce sera un signe de catastrophe", a-t-il aussi estimé pour conclure.


L’économiste français est enfin revenu sur le contexte général de l’économie mondiale. « Le contexte est un contexte de très grande croissance potentielle du monde. Si on regarde le monde comme s’il était un seul pays, tous les facteurs de croissance à long-terme sont réunis ».


« Il peut faire des milliers de discours pareils tous les jours usant de sa langue de bois et la Tunisie de bougera pas d'un poil ! Dans un système corrompu mafieux et sur une infrastructure inexistante ou de qualité médiocre il ne peut que rêver et vendre des illusions », observe un internaute.


Moez Joudi, en maître de cérémonie


Organisée au luxueux hôtel Four Seasons, etinitialement prévue pour le 31 octobre 2017, cette conférence a été organisée conjointement par Slehddine Hallara, directeur général de l’Institut des hautes études de Tunis et Moez Joudi, président de l’Association tunisienne de gouvernance. C’est ce dernier qui, fin 2014, avait aussi fait la promotion de l’invitation, qu’il a coorganisée, de Dominique Strauss-Kahn à Tunis, pour une conférence similaire qui n’avait pas non plus marqué les esprits, notamment en raison de la marginalisation déjà bien entamée à l’époque du personnage DSK.


Présent hier, le Chef du gouvernement Youssef Chahed, a de son côté évoqué dans son speech inaugural les priorités de la Tunisie et ses perspectives. Il a noté que « 2018 doit impérativement, être l’année de l’investissement et des grands projets pour une croissance durable et inclusive ».


Après une croissance molle de l’ordre de 1%, durant les 6 premières années, la Tunisie devrait enregistrer une croissance moyenne de 2% en 2017 et nous tablons sur un taux de 3% en 2018, a-t-il ajouté.


Optimiste, l’objectif du gouvernement étant d’atteindre 5% en 2020 et d’entamer une transformation de notre modèle économique, afin qu’il soit plus créateur d’emplois”, espère le chef du gouvernement.


Généralement soucieux de préserver son image de renouveau, le jeune Youssef Chahed a pâti hier de cette prestation aux côtés de l’adepte de la « gouvernance mondiale » qu’est Jacques Attali, une figure assez impopulaire dans la blogosphère tunisienne.


 


Seif Soudani