Droit de mourir – Le serment des hypocrites
Ils l’ont fait. Ceux qui attendaient des députés de faire preuve de décence en examinant avant l’examen le fameux texte sur l’euthanasie en seront pour leurs frais. Bien au contraire, ces honorables représentants du peuple ont retravaillé le projet de loi sur la fin de vie en zappant les réserves émises par les soignants et les soucis éthiques listés par le Comité consultatif national d’éthique, comme ils ont mis à la trappe la notion de pronostic vital engagé « à court ou moyen terme » pour parler de « phase avancée ou terminale » de la maladie.
Une autre spécificité de l’intelligence des députés, la possibilité de se passer du discernement du patient car le texte modifié prévoit désormais qu’une demande d’euthanasie puisse être inscrite dans des directives anticipées – dernières volontés médicales écrites au cas où un patient ne serait plus conscient. Cerise sur le gâteau, ils ont même inventé un délit sur mesure, celui d’entrave à l’aide à mourir.
Au final c’est un véritable texte sur le droit de se donner la mort et de la donner à autrui qui ouvre un boulevard aux adeptes de l’euthanasie et aux accros du suicide assisté qui ont fait de la mort une simple procédure administrative.
Ce texte qui a fait l’objet d’une refonte magistrale dans le sens le plus rétrograde que l’on peut imaginer a éliminé une à une les réserves qui concernaient les critères d’accessibilité comme le respect de la volonté du patient, qui ne dispose désormais plus que d’un délai de rétractation infime la collégialité de la décision médicale, une version en fait, bien plus édulcorée que chez nombre de pays qui ont déjà légalisé l’euthanasie.
Avant le débat dans l’Hémicycle, qui aura lieu le 27 mai, les députés ont ainsi ouvert la boîte de Pandore au détriment de la protection du patient, de ses proches et des soignants. Au moment justement où la plupart de ces soignants sont vent debout pour exiger que l’euthanasie ne soit pas considérée comme un soin, car un médecin a pour mission de faire vivre les gens et non pas de les tuer.
Ce scandale n’a pas échappé à la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), qui s’est prononcée contre l’inscription de l’« aide à mourir » dans le code de la santé publique : « En moins de cinq jours, ils ont davantage élargi l’accès à la mort provoquée que ne l’ont fait les deux pays les plus permissifs sur l’aide à mourir, la Belgique en vingt-deux ans et le Canada en huit ans » !
Derrière l’euphémisme de l’« aide à mourir » qui n’en est pas une, se cache une funeste volonté de se donner la possibilité de jouer avec la décision de donner la mort en parant cette condamnation de présupposés humanitaires.
Cette transgression de l’interdit de tuer qui met l’exécutif au pied du mur n’a qu’une seule explication, les députés sont finalement au service d’une idéologie qui considère que l’être humain n’est plus qu’une marchandise comme une autre, un simple produit de consommation qui a une date de péremption, la légalisation du suicide assisté a pour finalité de faire face aussi à une mauvaise prise en charge de la fin de vie en occident.
Une légalisation de la mort administrée équivaut désormais à se débarrasser du malade ? Répondre au sentiment d’abandon et à l’isolement des personnes en fin de vie dans une société de plus en plus individualiste par le suicide assisté est un scandale !
On peut dès lors légitimement se demander en quoi le suicide assisté constituerait une réponse appropriée au sentiment d’abandon des personnes en fin de vie dont la plupart du temps disposent d’ailleurs de faibles revenus.
A moins que « ce paternalisme médical » ne cache une volonté non avouée d’ouvrir la porte à une éradication de « ces nouveaux prolétaires de la fin de vie » que sont les vieillards grabataires, alors que l’objet des soins palliatifs est d’abord de soulager la douleur, d’apaiser la souffrance psychique tout en sauvegardant la dignité de la personne malade.