Stigmatisée, la banlieue résiste
Crédit photo : Ludovic Marin / AFP
Régulièrement, à chaque attentat, les habitants des quartiers populaires sont pointés du doigt par les médias, qui les considèrent incapables de vivre ensemble. Ils réagissent à cette stigmatisation et dénoncent une manipulation destinée à faire oublier les vrais problèmes du pays.
“A la télé, ils demandent comment faire pour qu’on réussisse à vivre ensemble ? Je leur répondrais, ‘naturellement’. Depuis tout petit, on a été habitués à être mélangés sans regarder la couleur, la religion ou l’origine. Les barrières, les distances, ce sont eux [les médias]qui les ont créés en agissant ainsi.” Pour Fethi, jeune père habitant Eaubonne (Val-d’Oise), la coupe est pleine. Le discours sur les ‘banlieusards’ incapables de se mélanger lui sort par les yeux. “En banlieue, c’est là où nous avons le plus de mixité”, rappelle le jeune homme.
Un avis partagé par Rania, 37 ans, qui vit à Vitry-sur-Seine depuis son plus jeune âge. “Fatiguée” par ces idées reçues, elle trouve “insultant” d’être pointée du doigt après chaque évènement dramatique à cause de sa religion ou de son origine sociale et dénonce les raccourcis éhontés : “Tu habites en banlieue, tu es musulman, donc il y a une forte probabilité pour que tu te replies sur toi-même et que tu te radicalises. C’est ridicule.”
Matraqués dans le débat public, ces habitants déplorent un manque de réactivité face aux clichés et une impunité laissée à certains, “comment un mec comme [Alain] Finkielkraut peut avoir une émission hebdomadaire sur France Culture, payée avec nos impôts ?” s’interroge Nordine, habitant de Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Pour le trentenaire, si le principe du vivre-ensemble est bon, il faut qu’il soit bien appliqué. “Il faut avoir un toit, un boulot, de quoi élever tes enfants dans de bonnes conditions. Le vivre-ensemble n’est possible que si tu as des perspectives.”
“L’Etat doit repenser son système, ne serait-ce qu’éducatif en banlieue, renchérit Fethi. Il n’est pas normal que le niveau d’éducation soit différent selon qu’on habite dans le 93 ou à Paris. Il y aurait au-dessus, le Parisien et en dessous le banlieusard.” Pour lui, les élites ne veulent pas du vivre-ensemble et le prouvent à travers leur politique, citant l’exemple du Grand Paris. “Des villes comme Saint-Ouen ou Saint-Denis, qui n’étaient pas fréquentables il y a peu, sont en train d’être refaites. On va augmenter les loyers pour mettre une population plus chic, plus blanche, et obliger les personnes qui vivaient là à aller un peu plus loin.”
Un manque de courage politique
Face aux dérives, Nordine dénonce la sclérose générale qui touche les opposants : “Ce sont aux partis politiques, aux syndicats, aux associations de se faire entendre. Même à gauche, on a intériorisé que ça fait partie du débat public de dire des choses comme ça plutôt que les contrer en déposant plainte. Là-dessus, il faudrait un peu plus de courage politique.”
En attendant qu’une véritable opposition constructive fasse bloc, ce discours continue de se diffuser dans la société et d’en arranger certains, “parler de la banlieue, de l’Islam, ça permet de cacher les vrais problèmes comme le chômage, l’éducation ou la conjoncture économique actuelle”, conclut Fethi. Le bouc émissaire a encore de beaux jours devant lui.
La suite du dossier :
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