Sortir de la logique du tout-carcéral

 Sortir de la logique du tout-carcéral

Crédit photo : Bertrand Langlois/AFP


Les peines de prison ferme sont souvent l’unique réponse de la justice française confrontée à la petite délinquance en lieu et place des peines alternatives. L’emprisonnement devrait pourtant, d’après la loi intervenir en dernier recours. 


Aller en prison pour avoir volé une paire de baskets ou conduire sans permis… Est-ce que ça en vaut la peine ? A l’heure où la France fait face à une surpopulation carcérale préoccupante, la question mérite d’être posée. N’y a-t-il pas d’autres solutions pour lutter contre les délits mineurs ? D’après l’Observatoire international des prisons (OIP), les travaux d’intérêt général, la contrainte pénale ou le sursis avec mise à l’épreuve sont, de loin, plus efficaces que l’incarcération.


“La prison ne permet pas d’endiguer durablement la récidive, bien au contraire”, assure Marie Crétenot, juriste à l’OIP. Les chiffres de son ONG sont éloquents. Après une peine d’emprisonnement ferme, le taux de récidive est élevé : 61 % contre à peine 34 % après un travail d’intérêt général. Le placement sous bracelet électronique ne produit, pour sa part, que 23 % de récidive.


 


Deux, trois ou quatre dans 9 mètres carrés


Pourquoi la France boude-t-elle ces peines alternatives, qui ont pourtant fait leurs preuves dans les pays scandinaves, en Allemagne ou encore aux Pays-Bas ? “Perçues comme des sous-peines, elles renvoient une image de laxisme volontiers entretenue par les médias, regrette Marie Crétenot. Or, quand elles sont bien menées, lorsque les personnes condamnées sont amenées à reconcevoir leur manière de vivre, ces peines permettent d’agir sur le passage à l’acte. Chose qu’une prison surpeuplée n’est pas en mesure de faire.”


Dans les maisons d’arrêt françaises, 19 409 détenus purgent une peine inférieure à un an. Cela se traduit par des “situations d’extrême promiscuité”, déplore la ­juriste. “Les gens dorment sur des matelas au sol, sont ­enfermés à deux, trois ou quatre dans des cellules de 9 mètres carrés. L’accès aux activités et aux soins est entravé.” Des conditions “inhumaines et dégradantes” qui, loin d’inciter les détenus à faire un travail salvateur de remise en question, alimentent leur rancœur et augmentent les risques de récidive.


 


Macron s’inscrit dans la continuité


“C’est écrit dans le Code pénal : une peine d’emprison­nement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours”, martèle Marie Crétenot. Dans les faits, l’incarcération reste la solution la plus répandue. L’OIP rappelle qu’en 2017, une enveloppe de 1,5 milliard d’euros est allouée à la construction de nouvelles prisons contre seulement 47 millions d’euros pour ­développer les peines alternatives.


Une politique du tout-carcéral dont semble pourtant s’accommoder le nouveau Président : dans son ­programme, Emmanuel Macron prévoit de créer 15 000 nouvelles places de prison. “Punir sans s’intéresser aux mécanismes de sortie de délinquance ne suffit pas, affirme Marie Crétenot. Il est nécessaire de changer de regard sur les personnes condamnées, de leur prouver que la société a encore une place à leur offrir.”  


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