Rédha Souilamas, un chirurgien trop brillant
Spécialisé dans la greffe pulmonaire, ce médecin hospitalier a quitté la France il y a quatre ans. En 2012, il a évoqué dans un livre, “La Couleur du bistouri” (éd. Naïve), les embûches – un euphémisme ! – qui l’ont poussé au départ.
Pendant des années, ce médecin, formé en Algérie et venu se spécialiser en chirurgie en France à la fin des années 1980, va œuvrer sans relâche. Dans son domaine d’intervention, la chirurgie thoracique, et plus précisément la greffe pulmonaire, il se fait rapidement un nom par-delà les frontières grâce, notamment, à une cinquantaine de publications dans des revues internationales.
Sollicité par des cliniques privées, il décline l’offre. “Demander des honoraires à des patients atteints d’un cancer pulmonaire […] me met mal à l’aise”, explique le chirurgien dans La Couleur du bistouri, un témoignage paru en 2012 aux éditions Naïve. Courtisé par un grand établissement britannique, où ses honoraires auraient été bien supérieurs à ceux qu’il perçoit à l’hôpital parisien Georges-Pompidou, il refuse poliment. Ceux qui, en France, craignent son départ lui font alors miroiter la possibilité d’être enfin nommé professeur, un titre qui lui tient particulièrement à cœur.
Il apprendra par la suite qu’il s’agissait d’une manœuvre destinée “à gagner du temps (…), il n’y avait personne pour me remplacer au pied levé. Je comprends enfin que, même si je décidais de rester, leur arrière-pensée est de se débarrasser de moi. Les raisons sont simples : je suis maintenant connu et incontournable. Je fais de l’ombre et, comme je ne suis pas du sérail, je dois rester aux portes du système”, analyse-t-il.
Brimades, harcèlement…
En 2010, ce médecin, qui a pratiqué plus de 130 greffes pulmonaires, réalise une première en France. Il permet, en recourant à une couveuse à organes, de mettre à disposition un plus grand nombre de greffons à destination de patients qui décéderaient sans cette intervention. Mais cette prouesse, et bien d’autres, loin de lui faire gravir les échelons, ne font que le conforter dans l’idée qu’il gêne, car trop “compétitif”.
Parce qu’il en a eu assez des brimades, du harcèlement, assez de voir ceux qu’il a formés devenir professeurs, assez de devoir “se faire pardonner ses succès”, assez de ne pas accéder aux promotions qu’il méritait, Rédha Souilamas a fini, en 2012, par claquer la porte d’un système qui privilégie le “réseau” aux compétences.
Il commence par s’installer en Belgique, où l’hôpital Erasme de l’Université libre de Bruxelles (ULB) le nomme professeur en 2014. Depuis 2015, il est chef de service dans une clinique d’Abou Dabi, aux Emirats arabes unis. Sa fille, elle, marche dans les pas de son père et étudie la médecine à Paris. Son parcours sera-t-il plus fluide et serein ?
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MAGAZINE MARS 2018