Donald Trump et les limites de la politique « d’un trait de plume »
A peine intronisé, le nouveau président réélu Trump a signé des dizaines de décrets exécutifs « à effet immédiat ». Spectaculaires par leur rapidité et leur contenu souvent outrancier, ils cachent mal la question de leur faisabilité et subissent déjà leurs premiers revers. A cet égard, ces « Deus Ex Machina » tiennent davantage de l’effet d’annonce et du sophisme selon lequel, même en démocratie, tout n’est affaire que de la volonté régalienne d’un seul homme.
Les autorités américaines ont procédé le 23 janvier à l’arrestation de 538 migrants en situation irrégulière et au rapatriement de centaines d’entre eux, présumés liés au crime organisé, dans le cadre d’une vaste opération, a annoncé la porte-parole de l’administration Trump, Caroline Leavitt. Cette déclaration intervient quelques jours seulement après l’investiture de Donald Trump pour un second mandat à la présidence.
Selon Leavitt qui s’en est prévalu, cette initiative représente « la plus grande opération de rapatriement de l’histoire », ajoutant que des avions militaires ont été mobilisés pour assurer ces expulsions. Cette action s’inscrit dans les promesses de campagne de Donald Trump, qui avait fait de la lutte contre l’immigration clandestine un pilier central de son programme électoral.
Le président américain a en outre signé une série de décrets visant à renforcer les contrôles à la frontière sud, à déclarer une « urgence nationale » et à mobiliser des forces supplémentaires dans la région. Ces mesures traduisent la volonté de l’administration Trump de durcir sa politique migratoire en ciblant notamment les étrangers en situation irrégulière ayant commis des infractions.
Droit du sol, premier sérieux revers
Mais voilà qu’un juge américain a suspendu temporairement aujourd’hui jeudi la remise en cause du droit du sol également ordonnée par Donald Trump, signe que l’offensive anti-immigration voulue par le milliardaire républicain est promise à une longue bataille judiciaire. « Il s’agit d’un ordre manifestement inconstitutionnel », a estimé le magistrat fédéral John Coughenour, cité par des médias locaux lors d’une audience à Seattle. Un greffier du tribunal a confirmé la suspension.
Dans la foulée de son investiture présidentielle lundi, Donald Trump avait signé un décret revenant sur le droit du sol, un principe consacré par le 14e amendement de la Constitution américaine et appliqué depuis plus de 150 ans aux États-Unis. Cette mesure avait immédiatement été contestée en justice par 22 États américains, dont la Californie et New York, et plusieurs ONG. Ils ont intenté plusieurs procédures pointant son inconstitutionnalité.
« Franchement, j’ai du mal à comprendre comment un membre du barreau peut affirmer sans équivoque qu’il s’agit d’un ordre constitutionnel », a ajouté le juge Coughenour, en suspendant le décret. « Cela me laisse perplexe. »
La « fin du wokisme », une vaste plaisanterie
Autre « executive order » ayant défrayé la chronique, « À partir d’aujourd’hui, la politique officielle du gouvernement des États-Unis sera qu’il n’y a que deux genres, l’homme et la femme », a asséné Trump en marge de sa signature du décret intitulé « Défendre les femmes contre l’extrémisme de l’idéologie du genre et restaurer la vérité biologique au sein du gouvernement fédéral ».
Un texte censé « éliminer » la reconnaissance des identités transgenres et non binaires au niveau fédéral, interdisant aux individus de mettre à jour les marqueurs de genre sur les passeports et autres documents fédéraux qui autorisent actuellement les marqueurs de genre « X ».
L’administration Biden avait autorisé ces mises à jour, une administration qui s’était elle-même radicalisée à gauche sur les questions sociétales, généralisant les programmes « DEI » (Diversity, equity and inclusion) à toutes les strates de la société.
Techniquement, le décret de Trump a un impact de type administratif sur environ 1,6 million d’Américains qui s’identifient comme transgenres, selon les données de l’UCLA. Toutefois, dans les faits, cette velléité tapageuse se heurte à la réalité de plusieurs décennies post révolution sexuelle en Occident avec des effets irréversibles selon la plupart des sociologues crédibles.
En avril 2024, le Northwestern Medicine avait compilé les résultats d’un vaste sondage national aux Etats-Unis qui révélait qu’un quart des adolescents américains s’identifie désormais à une « identité de genre non hétérosexuelle ». Une proportion qui grimpe souvent au tiers sur les campus US. Selon une autre étude, en 2023, 4 enfants sur 10 naissaient aux USA d’une mère célibataire.
Coup d’épée dans l’eau
Considéré comme ultra-conservateur et fervent soutien de Donald Trump, l’éditorialiste Rolo Tomassi ne se fait guère d’illusion quant à la marge de manœuvre sur ces questions, de surcroît extrêmement réduite en 4 ans, du président pour lequel il a voté.
« Il n’y a en règle générale jamais de rétropédalage sur les grandes dynamiques sociétales de ce type, qui correspondent à des bouleversements tectoniques profonds. Au mieux le mandat Trump ne sera qu’une sorte de soubresaut civilisationnel, un bref sursis », tempère-t-il.
Dans une Amérique plus polarisée que jamais entre dérive wokiste et droite altright de type « bromance » grossière et grotesque, tout porte à croire que les pitreries de Trump seront suivies les prochaines années d’une gauche tout aussi revancharde qui rétablira aussitôt ce qu’il a vainement tenté de démanteler avec force et fracas.
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