Doha Forum 2023 : Le Qatar au coeur des enjeux d’un Moyen-Orient en feu
Le docteur en sciences politiques et chercheur en géopolitique, Sébastien Boussois, revient sur le Doha Forum 2023 qui a consacré le Qatar dans son rôle diplomatique.
Du 10 au 11 décembre s’est tenue la nouvelle édition du Forum de Doha, au Qatar, qui accueille comme chaque année des centaines de dirigeants, décideurs politiques, chercheurs, membres d’ONG, journalistes, et citoyens du monde entier. Le thème de cette année conjugue diplomatie, dialogue et diversité, dans un contexte international de guerre et de tensions multiples. La question israélo-palestinienne est sur toutes les bouches et au cœur de nombre des enjeux des débats de ce forum, qui est devenu sur la scène mondiale un incontournable rendez-vous annuel pour échanger et tenter d’avancer dans la réflexion sur ce nouveau monde en pleine mutation. Un monde où l’on assiste à la fois à un recul de l’influence occidentale et dans le même temps à une montée du Sud Global comme acteur polymorphe des nouvelles relations internationales .
Au cœur de ces enjeux, le Qatar cherche sa voie et s’est déjà érigé en médiateur de crises et de conflits depuis longtemps. Ce que Doha fait depuis des années en réalité, c’est se positionner dans le contexte du multilatéralisme au cœur, pour peser de tout son poids diplomatique et géopolitique pour servir de trait d’union entre des mondes et des blocs politiques qui se comprennent de moins en moins.
De l’Afrique au monde arabe en passant présentement par les négociations en cours autour des otages israéliens avec le Hamas et l’appel à un cessez-le-feu entre les parties, le Qatar réaffirme la nécessité de parvenir à une solution juste et durable basée sur la diplomatie pour parvenir notamment à la création d’un Etat palestinien et le respect par le Hamas comme Israël du droit international. Lors de la cérémonie d’ouverture, Antonio Guterres, l’actuel Secrétaire général des Nations Unies a rappelé combien il est important de se conformer de nouveau au droit érigé depuis 1945, alors que les Etats-Unis viennent d’opposer leur véto au vote d’un cessez-le-feu entre Israéliens et Palestiniens. « Cela ne peut plus durer » a martelé Guterres, bien conscient que les nouveaux enjeux contemporains ont largement affaibli l’organisation onusienne, tiraillé en interne par des pays, notamment membres permanents du Conseil de Sécurité à qui il s’adressait récemment, aux intérêts divergents. Le commissaire général de l’UNRWA, l’agence onusienne en charge du soutien aux réfugiés palestiniens, est venu appuyer les propos précédents en rappelant que jamais autant de personnes civiles étaient mortes en un temps si réduit sur le petit territoire de Gaza, exsangue et sous blocus israélo-égyptien depuis 2007.
La force du Qatar, et il le démontre à travers ce forum, est de convoquer les acteurs majeurs du monde multipolaire, afin de tenter de faire avancer les choses. Doha accueille depuis des années, sur la demande d’Israël et des Etats-Unis, les principaux dirigeants de l’organisation islamique du Hamas, ce qui lui permet de négocier en direct pour la libération des otages israéliens et tenter de pousser pour un cessez-le-feu des deux côtés, bien que l’Etat hébreu, soutenu par Washington, le rejette fermement au moins jusqu’à la destruction complète du Hamas. Plusieurs panels ont eu lieu sur la question, avec la présence notamment du Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères qatari, Mohammed bin Jassim Al Thani, et celle du Premier Ministre palestinien de l’Autorité Palestinienne, Mohammed Chtayyeh, et qui ont appelé tous deux à un renouveau politique en Palestine pour affronter les défis de l’après-guerre.
D’autres tables rondes ont traité pendant ces deux jours, de la question de l’éducation des femmes dans des pays en crise comme l’Afghanistan, des initiatives pour résoudre enfin ou pas la crise syrienne, de la transition énergétique et de la coopération verte entre l’Europe et les pays du Golfe, des relations entre les pays du Conseil de Coopération du Golfe et le continent asiatique, de l’économie inclusive et de la croissance durable, du rôle du droit international pour résoudre les conflits et de la difficulté de l’appliquer, des BRICS dans le nouveau monde actuel, du dilemme de la dette pour nombre de pays en difficulté, de la diplomatie humanitaire, de la sécurité des data et du cyber-espionnage, des progrès en matière de science et de médecine post-Covid19, de la guerre en cours au Soudan sans solution, des pistes de résolution de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, et de la manière d’espérer encore pouvoir créer un futur commun pour des milliards d’êtres humains en souffrance.