Hâfez de Chiraz, icône de la poésie persane

 Hâfez de Chiraz, icône de la poésie persane

Hâfez


MAGAZINE DECEMBRE 2017


Mystique soufi du XIVème siècle, Hâfez a porté à un degré inégalé le "ghazal", une des formes les plus anciennes de la poésie lyrique persane. Il est si populaire que, dans les foyers iraniens, son "Diwan", auquel on accorde des pouvoirs divinatoires, figure aux côtés du Coran.


Poète, philosophe et mystique persan, Khouajeh Chams ad-Din Mohammad Hafez-e Chirazi serait né vers 1320 à Chiraz, haut lieu d’effervescence intellectuelle de l’Empire perse. On sait peu de choses sur sa vie. Son père, petit marchand, meurt alors qu’il est enfant, laissant sa famille couverte de dettes. Disciple de l’intellectuel Attar de Chiraz, il devient un maître de l’école coranique, respecté pour avoir mémorisé le ­Coran de 14 façons différentes. Homme de lettres et grand érudit en sciences religieuses, Hâfez connaît les subtilités entre philosophie et vérités mystiques. Il est invité à la cour du shah Abou Ishaq, lequel en fait son poète attitré. Mais il tombe en disgrâce lors de jeux de pouvoir et autres querelles de succession. Il fuit Chiraz et se réfugie alors à Ispahan, puis à Yazd. A 52 ans, il ­reprend sa position à la cour à l’invitation du shah Chouja et consolide son statut auprès de son successeur, Chouja ad-Din Mouzaffar.


 


Le Diwan, œuvre mystique, est édité du vivant de Hâfez, en 1368. Il est composé de près de 900 “ghazals” (paroles amoureuses) : “Par mon corps, je ne puis atteindre la fortune de m’attacher à toi / Mais le meilleur de mon âme est poussière au seuil de ta porte.” Hâfez y chante aussi le vin et l’ivresse, porte d’accès à la sagesse car elle délivre de l’étroitesse du “moi”. Lucide, il s’apostrophe : “Tu peux bien te plaire, ô Hâfez, à boire et te rire des lois / Viendra l’heure de dire adieu à cette prison solitaire.”


 


Frère spirituel de Goethe


Son Diwan va influencer les poètes persans et marquer d’importants hommes de lettres occidentaux après sa première traduction anglaise en 1771. Le courant romantique développe en Europe un fantasme d’Orient. Quand Goethe découvre Hâfez, il est ébloui. Il le reconnaît comme son frère spirituel et l’appelle “Saint Hâfez”. Il écrit : “Me voici face au parfum céleste de l’Orient, à un miracle de raffinement, de beauté et de perfection tout autant que de philosophie et de mystique. Je deviens fou.” En son hommage, le dramaturge allemand compose Le Divan occidental-oriental, qui invite à un orientalisme de cœur.


Dans la culture populaire iranienne, Le Diwan est considéré comme un livre aux pouvoirs divinatoires qui donne le “fal”, l’augure : on ouvre le recueil au hasard, on se concentre sur un sujet et, les yeux fermés, on pointe le doigt sur un poème dont le sens va donner la réponse à la question formulée.


Hâfez meurt vers 1390, à 69 ans. Il repose dans les jardins Musalla de Chiraz. Son mausolée rassemble chaque jour des centaines de pèlerins qui la couvrent de prières et de roses rouges. “Puisse mon âme être immolée à ta bouche, car au jardin du regard / Le jardinier du monde n’a rien créé de plus beau que ce bouton de rose.”