Déseuropéaniser le regard sur le monde : une expo à Marseille révèle une histoire alternative
Jusqu’au 11 mars 2024, l’exposition « Une autre histoire du monde » au Mucem à Marseille offre une perspective alternative sur l’histoire mondiale en mettant en avant des récits centrés sur les points de vue africains, asiatiques, américains, océaniens et arabes. Il s’agit pour le visiteur de se « désorienter » et de remettre en question la vision européocentrée de l’histoire.
Pour échapper à l’idée que les Européens se sont « placés au centre du monde », l’exposition « Une autre histoire du monde » au Mucem insiste sur le fait que d’autres peuples et empires ont adopté une perspective similaire. Cette exposition ambitionne de décentrer le regard et de raconter l’histoire du monde en intégrant le reste du monde, selon les commissaires Fabrice Argounès, Camille Faucourt et Pierre Singaravélou. Elle se veut une exploration de l’espace et du temps à travers plus de 150 œuvres variées, allant de cartes géographiques à des manuscrits, objets archéologiques, peintures et textiles, dont beaucoup sont présentées pour la première fois.
Une œuvre phare de l’exposition est un tableau d’Alexandre Véron-Bellecourt de 1802, montrant la muse de l’Histoire Clio présentant les hauts faits de Napoléon aux peuples du monde. En réponse à cette vision eurocentrée, un tableau contemporain du Congolais Chéri Samba, intitulé « La vraie carte du monde », inverse les positions du Nord et du Sud, adoptant une projection plus réaliste pour mettre en évidence la véritable superficie des continents, soulignant l’importance de l’Afrique par rapport à l’Europe.
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L’exposition explore également différentes représentations du temps à travers divers calendriers, dont le calendrier musulman et les calendriers japonais basés sur les règnes des empereurs. Elle met en avant la diversité des rapports au temps à travers des supports allant des manuscrits aux objets plus insolites comme une carte de navigation des îles Marshall composée de bâtonnets de bois de coco et de coquillages.
Les Européens vus par les colonisés
Les commissaires soulignent également la place importante accordée à la tradition orale dans l’exposition, avec des cabines d’écoute permettant d’entendre des chants traditionnels de Mongolie et du Maroc qui fonctionnent comme des récits historiques.
L’exposition aborde également les différentes mondialisations qui ont précédé celle menée par l’Europe à partir du XVIIIe siècle, notamment celles entreprises par les Mongols, dans l’océan Indien, et à travers le Pacifique. Elle met en évidence les interactions, échanges et hybridations qui ont caractérisé ces expansions.
En explorant la colonisation européenne, l’exposition adopte une perspective particulière en représentant les Européens à travers les yeux des colonisés. Un paravent chinois du XVIIIe siècle met en scène des Européens à la chasse avec des traits exagérés, illustrant un début de « goût de l’Europe » ou d' »occidentalisme inversé ». L’exposition offre ainsi une vision alternative et riche de l’histoire mondiale, invitant les visiteurs à reconsidérer les récits historiques souvent dominés par une perspective eurocentrée.