Des Tunisiens manifestent contre les récentes mesures présidentielles
Tunis – Quelques milliers de manifestants se sont rassemblés dimanche 26 septembre Avenue Habib Bourguiba pour exprimer leur rejet de l’Etat de fait et d’une abrogation de la Constitution de 2014 qui ne dit pas son nom. Il s’agit du premier mouvement de protestation de cette envergure depuis les mesures exceptionnelles décrétées unilatéralement par Carthage le 25 juillet dernier.
Slogans hostiles au président de la République Kais Saïed réclamant sa destitution
Ils étaient entre 3 et 4 mille selon le ministère de l’Intérieur, entre 6 et 10 mille selon les organisateurs. Ces derniers se sont plaints de l’obstruction policière faite à certains bus de manifestants venant de diverses régions du pays, ainsi que de l’installation de barrières de sécurité ayant empêché des vagues de protestataires de rejoindre le noyau de la manif aux abords du Théâtre municipal.
Tour de passe-passe juridique et autodafé
C’est le désormais célèbre décret présidentiel n°117 du 22 septembre courant qui a précipité la contestation dans la rue jusqu’ici restée relativement timide. Un décret qui restera sans doute dans les annales du droit, en ce qu’il suspend de facto la majeure partie de la Constitution, au mépris de la hiérarchie des textes de loi, et met en place une organisation implicite des pouvoirs publics.
Même sans comprendre toutes les subtilités et autres supercheries d’ordre légal, de nombreux manifestants ont brandi dimanche une copie de la Constitution qu’ils tenaient d’une main revendicatrice. Une réponse à un rassemblement de quelques dizaines de personnes la veille au même endroit où fut symboliquement brûlé ce livret contenant la Constitution de la IIème République par des pro Saïed. Un autodafé là aussi d’une violence inédite.
Le manifestation d’hier répondait par ailleurs à une autre provocation, celle du président Saïed lui-même qui avait mis au défi à Sidi Bouzid une semaine auparavant ses opposants de rassembler ne serait-ce que quelques dizaines de personnes, et qualifié les manifestants contre ses mesures de personnes « alcoolisées » régies par l’appât du gain.
« Nous sommes ivres du vin de la Liberté que nous buvons d’une génération à l’autre, tandis que le coup d’Etat vacille ! », a rétorqué, narquois, le juriste et activiste politique Jaouhar Ben Mbarek.
Le soir, le journal télévisé de la TV nationale a couvert l’évènement en renvoyant dos à dos la manifestation des anti Saïed et une contre-manif spontanée d’une centaine de personnes venues narguer la foule côté opposé. Si quelques heurts ont eu lieu en fin de journée, consacrer un espace médiatique égal aux deux groupes peut induire en erreur quant à leurs tailles respectives.
Samedi 25 septembre, 18 ONG tunisiennes ont signé un texte intitulé « un premier pas vers l’autoritarisme », où l’on peut lire que « les droits humains et les aspirations démocratiques du peuple tunisien sont menacés ». Cependant un certain nombre d’influenceurs pour qui la gouvernance de ces 10 dernières années est un mal absolu, demeurent tacitement favorables au laisser-faire des velléités dictatoriales du Palais, au nom d’une hiérarchisation des périls.
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