Des ONG alertent sur les incohérences des financements de la France
La France s’apprête à accueillir le premier sommet mondial des banques de développement, le sommet « Finance en Commun », du 10 au 12 novembre prochain. 450 institutions publiques financières s’y réuniront à l’heure où les gouvernements du monde entier entendent mobiliser des montants astronomiques d’argent public pour contrer les répercussions de la crise Covid-19. Dans ce contexte, une e-conférence des ONG du Réseau Action Climat et intitulée « La France face à l’incohérence de ses financements publics », a été donnée ce vendredi pour alerter sur la responsabilité des institutions d’orienter les investissements vers une relance juste, verte, résiliente et inclusive, pour contribuer à endiguer la crise climatique.
« La France, hôte du sommet, doit utiliser ce moment pour faire preuve d’ambition et rectifier le tir après de récentes annonces en totale contradiction avec les objectifs de l’Accord de Paris […] Le Sommet Finance en Commun ne doit pas être un coup pour rien, ni une célébration de mesurettes. Les décisions d’investissements prises aujourd’hui pourraient bloquer des pays dans des trajectoires insoutenables pour la planète et injustes pour les citoyen·ne·s, et ce pour des dizaines d’années », indique le communiqué.
Des financements incohérents
Pour le Réseau Action Climat et les associations qu’il fédère, le Sommet Finance en Commun est l’occasion de repenser profondément le modèle de développement soutenu par les institutions publiques financières du monde entier pour le mettre en cohérence avec les Objectifs de développement durable, de protection de la biodiversité et de l’Accord de Paris. Il rappelle que depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, les institutions du G20 ont fourni 3 fois plus de financements pour les énergies fossiles que pour les énergies renouvelables, atteignant 77 milliards de dollars par an. Depuis des années, les ONG dénoncent également les violations des droits humains et les dégradations des écosystèmes causées par les projets des banques de développement.
Quatre engagements à adopter
Pour l’association, quatre engagements doivent être adoptés d’urgence par les institutions publiques financières au sommet :
- Mettre un terme à leurs financements directs et indirects dans le charbon, le pétrole et le gaz au plus vite et d’ici à la fin de l’année 2022, pour aligner leurs activités et portefeuilles avec l’Accord de Paris. Continuer à financer les énergies fossiles en 2020, c’est menacer directement les chances de limiter le réchauffement global à 1,5°C et c’est irresponsable.
- Augmenter les financements dans la transition juste, pour rendre les sociétés plus résilientes et répondre aux besoins des communautés les plus vulnérables. Cela doit notamment permettre un accès universel à une énergie renouvelable et abordable et soutenir la reconversion des secteurs impactés par la transition.
- Faire du respect des droits humains, des droits des peuples autochtones, de l’égalité de genre et de l’équité, les principes clés de l’action des institutions publiques financières. Cela nécessite une participation effective de la société civile, des communautés, des défenseur·e·s des droits humains et des femmes et des filles, dans la conception des projets et dans les processus de décision.
- S’engager à utiliser les outils financiers qui n’aggravent pas le poids de la dette dans les pays en développement, en privilégiant notamment les dons, par rapport aux prêts.
Réseau Action Climat stipule qu’en 2017-2018, les dons représentaient seulement 3,3 % des financements climat de la France. « Alors que de nombreux pays en développement font face à des niveaux de dette insoutenables, renforcés par la crise sanitaire liée au Covid-19 et les dépenses qu’elle engendre, il est choquant que la France participe à l’endettement de ces pays parmi les plus pauvres de la planète », souligne le communiqué.
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Une justice climatique
Le Réseau Action Climat rappelle que la France et les autres pays du G20 sont responsables de 80 % des émissions globales de gaz à effet de serre, tandis que la moitié la plus pauvre du monde n’a émis que 7 % des émissions de CO2 entre 1990 et 2015 et que les pays vulnérables sont contraints de trouver des solutions pour s’adapter au dérèglement climatique, qui provoque des bouleversements majeurs en matière d’accès à l’eau, de dégradation des sols ou encore de disparition des écosystèmes. « Augmenter les financements pour l’adaptation n’est donc pas uniquement une question de solidarité, mais un véritable enjeu de justice climatique », souligne le communiqué.
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Le Réseau Action Climat fédère les associations impliquées dans la lutte contre le dérèglement climatique et pour une transition écologique, solidaire et équitable. La e-conférence s’est tenue en présence de Lucile Dufour, Responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat ; Armelle Le Comte, Responsable de Plaidoyer Climat et Energie à Oxfam France ; Léa Vernhet, Chargée de plaidoyer à Care France ; Cécile Marchand, chargée de campagne climat / acteurs publics aux Amis de la Terre France, et Clémence Dubois, Responsable France à 350.org