Des collégiens de Saint-Denis et de Cannes gravissent ensemble la plus haute montagne de Corse

 Des collégiens de Saint-Denis et de Cannes gravissent ensemble la plus haute montagne de Corse

25 collégiens de Saint-Denis (93) et de Cannes La Bocca (06) sur le sommet du Monte Cinto (2 706 m), la plus haute montagne de Corse. Crédit photo : Nadir Dendoune

Ils n’avaient jamais randonné de leur vie. Et pourtant, ce vendredi 8 juillet, vers midi 30, après plus de sept heures d’efforts, 25 collégiens de Saint-Denis (93) et de Cannes La Bocca (06) ont atteint le sommet du Monte Cinto (2 706 m), plus haute montagne de Corse. Reportage.

 

Il y a un an, en mai 2021, Marine Bourguignon-Trombini enseignait le français au collège Dora Maar à Saint-Denis. « Cette année, j’avais décidé de faire travailler mes élèves sur le thème de l’aventure », explique-t-elle.

La suite est simple. Marine Bourguignon-Trombini projette un jour dans sa classe « L’ascension », le film qui raconte l’aventure sur l’Everest de l’auteur de ses lignes. Le contact est pris et avec Ahmed Sylla, l’acteur qui incarne mon rôle au cinéma, nous nous déplaçons au collège de Saint-Denis.

« La rencontre a été superbe et on s’est dit que c’était dommage de ne pas aller plus loin », confie l’enseignante, mutée en septembre 2021 dans un autre établissement à Cannes, classé, comme celui de Saint-Denis en zone prioritaire.

Avec son compagnon Loïc Preghenella, accompagnateur en montagne, ils réfléchissent alors à un projet. Très vite, les deux tombent d’accord : ce sera l’ascension du Monte Cinto en Corse, « Monte Cintu » pour les locaux.

« L’idée avait germé à Saint-Denis, c’était normal d’emmener dans cette aventure des gamins de mon ancien collège », soutient l’enseignante qui n’a aucun problème par la suite à convaincre d’autres professeurs des deux établissements, (celui de Cannes et celui de Saint-Denis donc) de la suivre dans cette aventure. Au final, ce sont 30 collégiens, 15 de chaque école, qui sont sélectionnés.

« Comme on connaît la situation économique de certaines familles issues des quartiers populaires, il nous fallait trouver de l’argent pour mener à bien ce projet », explique Loïc Preghenella.

Avec leur association « Des quartiers au sommet », Marine et Loïc vont au charbon. Aides financières du département des Alpes-Maritimes, de celui de la Seine-Saint-Denis mais aussi le soutien de plusieurs sponsors, comme la MAIF ou Decathlon (qui a fourni tout l’équipement pour les collégiens). En un an, le budget est bouclé.

Lundi 4 juillet, vingt-neuf collégiens (une défection) se retrouvent donc tout sourire pour la première fois à Toulon pour embarquer sur le ferry. Ils sont accompagnés par leurs professeurs, Marine, Camille, Lucien, Cassandra, Elsa et leur CPE, Émilie.

Le lendemain, ils sont à Bastia, où ils rejoignent en bus Calenzana. Et en fin d’après-midi, ils atteignent enfin le refuge de Tighjettu (1700m), leur nouveau Camp de base, après une longue marche éprouvante sous une chaleur écrasante, avec un sac de 10 kilos sur le dos. Ils pensaient alors avoir fait le plus dur …

Le jour du sommet !

Quatre jours plus tard, le soleil dort encore quand 25 minots, douze filles, treize garçons, s’élancent depuis leur refuge. L’équipe est presque au complet. Il n’y a que quatre jeunes qui ont préféré rester au campement, fatigués par les précédentes journées de préparation physique. À 5h, les mines sont basses, le pas lent, les tripes serrées.

Seule la lueur de la frontale éclaire ce sentier par lequel ils repasseront tous 13, 14 voire pour certains, 16 heures plus tard. Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est qu’ils le fouleront alors tous un peu plus grand…

Premier objectif de la journée pour ces alpinistes en herbe : atteindre la Bocca Crucetta à 2 452 mètres. Leur lente ascension est ralentie par le flot incessant des coureurs de La Restonica Trail, une course de montagne longue de 110 kilomètres. Chaque participant est encouragé par les minots impressionnés par tant de force physique.

Il faut 3h30 de marche aux collégiens pour connaître une première victoire. C’est aussi leur première vraie pause de la journée. On se ravitaille, barres de céréales, eau. On essaie aussi en vain de se réchauffer. La première partie de la grimpette s’est faite à l’ombre. Déjà, certain(e)s veulent abandonner alors que le vent ne cesse de refroidir les corps de ces jeunes marcheurs en quête de sommet

« C’est déjà bien », osent-ils. Mais le guide Jean-Luc veille au grain. « Nous allons emmener tout le monde là-haut », promet-il calmement. Jean-Luc a de la bouteille : guide depuis de nombreuses années, il sait comment motiver ses troupes. A peine arrivés, il faut déjà repartir.

L’ascension est difficile. Pour tout le monde. A l’image des coureurs du Tour de France, tous les alpinistes croisés sur le chemin, certains à bout de souffle, acclament nos jeunes champions pour les encourager à continuer. « A cet âge-là, c’est formidable ce que vous faites », lâche en plein effort un homme d’une trentaine d’années. Avec un tel public, il est impossible de lâcher.

« Franchement, je vais pas y arriver », répète un jeune garçon costaud mais peu habitué aux efforts physiques. L’espoir renaît pour les moins confiants de nos collégiens, alors que le Monte Cinto est désormais disponible pour les yeux. Le voir pour y croire. Il n’est plus possible de lui échapper. On est soudainement heureux, puis on s’énerve. « Plus on avance, plus il part », s’agace une collégienne.

Les guides Jean-Luc, Louis et Loïc stoïques, font progresser à travers les crêtes et les cols, à petits pas, cette cordée des quartiers populaires, aux couleurs multiples. Le soleil réchauffe enfin les corps mais pas les esprits qui doutent encore.

A la Pointe des Éboulis (2 587m), deuxième objectif de la journée, c’en est trop : elles, ils, n’iront pas plus loin. Wallah ! Promis. Juré. On discute deux minutes, on motive trente secondes et hop, tout le monde repart. Amen ! C’est aussi simple que ça. Certains cachent leurs larmes. D’autres non.

Ils marchent tous. En queue leu leu… Ils n’en peuvent plus : ça se voit, ça s’entend. C’est beau. Ils rayonnent. Qui a dit que la souffrance était laide ? Le dénouement approche.

« Ça fait 30 fois que vous nous dites qu’on est bientôt arrivé, peste une mini alpiniste. Je ne vous crois plus ». « Montrez qui vous êtes à ceux qui vous répètent que vous êtes des incapables », leur martèle Loïc Preghenella. « Faites-le pour vous mais aussi pour votre famille », embraie Émilie, la CPE du collège de Cannes-La Bocca.

Les paroles font mouches. Ils repartent visages fermés. Le sommet est tout près mais les derniers hectomètres sont pénibles. « On continue pour nos professeurs », souffle une collégienne qui tient à peine debout. « Oui, ils nous ont tellement saoulés avec ça pendant un an », rigole un élève. Même atones, il y a toujours un mot pour rire. « On est tellement fier de vous », sanglote une enseignante en les voyant atteindre le plus haut sommet de la Corse.  « Ma mère et mon père, ils ne vont pas me croire », balance une jeune fille.

Les photos prises, le déjeuner englouti, il est 13h30. Il est temps de repartir. Les collégiens exténués, démotivés après leur arrivée au sommet, demandent au guide s’ils peuvent redescendre par un autre chemin. Comprenez un plus rapide.

Il est 21h42, quand les trois derniers arrivent, en pleurs, au refuge. Ils sont accueillis en héros. Les larmes séchées, ils se ruent sur le plat de pâtes. « Elles sont trop bonnes les pâtes aujourd’hui », confesse un vainqueur du 8 juillet 2022 du Monte Cintu. Tiens, comme par hasard !

« Le Kilimandjaro, c’est quelle hauteur ? », demande tout sourire la bouche pleine une autre élève. La veille, elle avait regretté d’être venue à la montagne…

 

Pour soutenir le projet : https://fr.ulule.com/des-quartiers-au-sommet/

Crédit photo : Nadir Dendoune
Crédit photo : Nadir Dendoune
Crédit photo : Nadir Dendoune
Crédit photo : Nadir Dendoune
Crédit photo : Nadir Dendoune
Crédit photo : Nadir Dendoune
Crédit photo : Nadir Dendoune
Crédit photo : Nadir Dendoune
Crédit photo : Nadir Dendoune

 

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