Darmanin présente son projet de loi antiterroriste cinq jours après Rambouillet
Le ministère de l’Intérieur y travaille « depuis des mois ». Il jure que ce n’est « pas une réponse » à l’attentat de Rambouillet. Un nouveau projet de loi sur le renseignement et la lutte antiterroriste, qui met à jour des mesures déjà expérimentées en la matière, arrive mercredi en Conseil des ministres.
« Notre main ne tremble pas ». Deux jours après l’attaque qui a coûté la vie à une agente du commissariat de cette ville des Yvelines, Gérald Darmanin affichait sa fermeté et dévoilait les grandes lignes du projet de loi antiterroriste au Journal du dimanche.
Un long entretien en forme de riposte aux attaques de l’opposition après le drame, notamment celles de Marine Le Pen, qualifiée de « vautour » par le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal dans un entretien au Parisien.
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Un avant-goût de présidentielle, alors que la sécurité fait partie – après la santé et la crise sanitaire – des principales préoccupations des Français selon les sondages. Ce projet de loi tombe donc à point nommé pour le pouvoir.
Durcissement des « visites domiciliaires »
Son inscription à l’ordre du jour du Conseil des ministres dès ce mercredi, une semaine après l’avis rendu par le Conseil d’État, était actée « depuis plusieurs jours », a assuré une source proche de l’exécutif. Celui-ci balaie les accusations d’une accélération opportuniste du calendrier en réaction à l’attentat. Ce texte porté par le ministre de l’Intérieur n’est, pour l’essentiel, que le toilettage de dispositions déjà existantes, mais que l’exécutif voulait graver dans le marbre législatif.
Avec ses 19 articles, le projet de loi vise principalement à « actualiser », voire renforcer l’arsenal juridique. La Loi renseignement de juillet 2015 et la Loi sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme d’octobre 2017 notamment.
Gérald Darmanin avait déjà intensifiées les « visites domiciliaires » – ex-perquisitions administratives -après la décapitation de Samuel Paty en octobre 2020. Elles pourront désormais s’accompagner de la saisie du matériel informatique si un suspect refuse de donner l’accès à son contenu.
Contrôle renforcé des ex-condamnés
Les mesures individuelles de contrôles (Micas) – ex-assignations à résidence – pourront être prolongées « jusqu’à deux ans » après la sortie de prison, contre un an aujourd’hui, pour les personnes condamnées à au moins cinq ans ferme pour terrorisme.
Ces mêmes « sortants », s’ils présentent une « dangerosité particulièrement élevée » de récidive, pourront aussi faire l’objet de mesures judiciaires. Il pourra s’agir d’établir sa résidence en un lieu donné ou de respecter une prise en charge sanitaire. Et ce, jusqu’à cinq ans après avoir purgé leur peine.
Cette disposition est une réponse à la censure l’été dernier par le Conseil constitutionnel d’une proposition de loi LREM. Celle-ci prévoyait des « mesures de sûreté » pour les détenus terroristes sortant de prison.
Algorithmes et intelligence artificielle
Sur le volet renseignement, le texte pérennise la technique controversée de l’algorithme. Cet outil permet le traitement automatisé des données de connexion pour détecter les menaces, tout en l’étendant aux adresses web. La durée autorisée pour recueillir des données informatiques sera par ailleurs portée à deux mois, contre un seul aujourd’hui.
Au-delà, les données sont considérées comme « mortes », mais pourront être conservées pendant cinq ans aux fins de recherches et développement. Il s’agit ainsi de faire progresser l’intelligence artificielle des « boîtes noires » des services de renseignement.
Interrogé dans le JDD sur le risque d’atteinte aux libertés individuelles, Gérald Darmanin a demandé d’arrêter avec la « naïveté ». Toutes « les grandes entreprises utilisent des algorithmes. Et il n’y aurait que l’État qui ne pourrait pas les utiliser ? »
Le projet de loi, dont la promulgation doit aboutir avant le 31 juillet, promet de vifs débats au Parlement. Il risque également de provoquer une nouvelle levée de boucliers des défenseurs des libertés publiques.