Younès Es Safy, l’homme oiseau

 Younès Es Safy, l’homme oiseau

crédit photo : Laurent Bugnet


Son numéro de sangles aériennes a époustouflé les spectateurs de “CirkAfrika 3” cet hiver. Virtuose de la danse acrobatique, ce jeune Marocain n’a pas fini de nous donner le vertige. 


Quand il entre en scène, c’est à chaque fois une ­renaissance, assure Younès Es Safy. Lorsqu’il tournoie dans les airs pour son numéro onirique des sangles, l’acrobate tutoie l’extase. Une ascension tant physique qu’émotionnelle. “Je sens que je vole, comme un oiseau. J’ai une sensation de vide à l’intérieur qui me procure beaucoup de plaisir. Je ressens le public quand je touche le sol, mais quand je décolle je suis seul !” confie-t-il. Après une telle ivresse, un peu de temps lui est nécessaire pour atterrir, littéralement. “Je ne peux alors ni parler ni sourire. Je ne comprends pas ce qui m’est arrivé !”


 


Du hip-hop aux arts circassiens


Ce virtuose de 26 ans rencontre l’univers du cirque à l’adolescence. Originaire de Mohammedia, près de ­Casablanca, il se passionne alors pour le hip-hop et les battles de breakdance. “On avait une petite troupe et on donnait des spectacles dans la rue, sur de la musique funk ou du rap.” Il découvre les arts circassiens via des vidéos. Une révélation. “Dans le breakdance, on s’amuse, on exprime nos sentiments, mais ça reste très cadré. Au cirque, tu es seul devant un public, rien n’est interdit. Je m’y sens complètement libre, dans tous les sens.”


Il se forme à Shems’y, l’Ecole nationale de cirque de Salé. La première année, il travaille sur les équilibres, mais après une blessure, il bifurque vers les sangles ­aériennes. “J’y ai trouvé ma voie.” Diplômé des arts du cirque en 2014, il monte avec des élèves de sa promo la compagnie Wajdins. “Nous mêlons acrobaties et mouvements un peu risqués, que l’on travaille sans cesse pour qu’ils deviennent naturels.” L’une de ses créations, Salone, s’inspire de la jeunesse marocaine, tiraillée entre ses rêves et sa réalité, sa liberté et les normes de la société.


En 2017, Younès Es Safy postule sans trop y croire au Festival mondial du cirque de demain, à Paris, où concourent des écoles prestigieuses venues de tous les pays. Coup d’essai, coup de maître : il remporte le prix spécial du jury et celui de la Ville de Paris. “Je n’ai même pas attendu les résultats, car je n’espérais pas gagner. Me produire sur ce plateau était déjà un tel honneur !” Il rejoint alors la troupe du Cirque Phénix pour son spectacle ­CirkAfrika 3, en tournée jusqu’en janvier dernier, fier d’être le premier artiste à y représenter le Maroc.


 


Un artiste polyvalent


Pour entretenir son corps et éviter de se blesser, il se soumet, quatre jours par semaine, à un entraînement physique rigoureux : souplesse, gainage, musculation… Le jeune homme excelle aussi dans l’acrodanse et la roue Cyr, une discipline propre aux arts circassiens. “C’est important d’être polyvalent. Ça ouvre des portes pour travailler avec d’autres compagnies.” Il se produira ce printemps en France et au Maroc, ses deux pays de cœur. Une question d’équilibre en somme.