Cybersécurité : Un startupeur franco-marocain au CES de Las Vegas

 Cybersécurité : Un startupeur franco-marocain au CES de Las Vegas

Othman Benmansour (DR)

Extension de notre monde réel, notre univers connecté réclame de la cybersécurité.  C’est sur ce terrain que l’inventeur franco-marocain et CEO de Paladax, Othman Benmansour a tenu à relever le défi. Son caisson-valise Umbra permet de couper tout enregistrement ou connectivité durant des réunions. Son invention lui a permis de faire partie des happy few invités au plus grand salon de technologies, le CES de Las Vegas du 5 au 8 Janvier 2022.

Afin de devenir un innovateur, il faut avoir une petite dose de folie, une énigme à résoudre et une passion pour le savoir, notamment scientifique. Le franco-marocain, Othman Benmansour est pourvu des trois, auquel s’adjoint un sens aigu du travail bien fait.

Avec des écoles d’ingénieurs, il lui aura fallu un an et demi de tests pour présenter son produit, Umbra. Ce caisson-valise empêche toute connectivité ou enregistrement lors de réunions sensibles. A l’aune des affaires comme celle de Pégasus, la question de la cybersécurité reste essentielle. Parcours d’un homme qui n’a cessé de se plonger dans cette problématique.

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Une découverte du monde de la science

Les aspects de la cybersécurité, Othman Benmansour la ressent très jeune dans la ville de Marrakech. Issu d’un père officier de la gendarmerie et d’une mère travaillant au sein de la défense nationale, il prend conscience des dangers potentiels du net. « J’ai baigné certainement dans une atmosphère où le mot sécurité a un sens, indique Othmane Benmansour. Mais, au delà, j’ai eu des parents qui m’ont donné goût au savoir et à la science. Entre les ordinateurs, microscopes et autres, j’ai pu affiner ainsi ma curiosité sur le comment les choses fonctionnent. »

Après 14 ans dans la ville ocre, il rejoint la capitale. Il se passionne pour les jeux vidéos comme Sim City ou Age of Empire qui requièrent une bonne dose de stratégie et d’avoir une vue globale. Son bac ES en poche, il suit des prépas à Orléans et Paris avant d’étudier dans une école de commerce à Reims. Une voie royale pour monter des sociétés et comprendre l’arrière boutique des entreprises. Outre ses échanges avec des étudiants du monde entier, il crée du liant culturel entre son pays d’adoption et celui d’origine. Un film en 3D relief pour la promotion de son école, lui laisse entrevoir les opportunité dans le domaine des contenus audiovisuels. Après un master dans la gestion des médias à la Sorbonne, il est embauché par France Médias Monde.

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Un passage bénéfique dans les médias

Au sein du bateau amiral de l’audiovisuel extérieur français, il apprend beaucoup et décortique un monde en perpétuel transformation. « D’un point de vue technologique, ca bougeait. J’avais aussi une curiosité intellectuelle à apprendre des choses sur les médias et leurs transformations. »

Au sein de l’académie de France Medias Monde, il dépend de la direction du développement international. Durant 7 ans, il monte les projets internationaux de coopération, aide à la création de chaînes de télévision ou de formations d’appui aux médias. Il constate ainsi l’importance de la cybersécurité et de sa perception par les entreprises de presse notamment. « Je fais partie d’une génération qui a grandi avec les évolutions d’un monde connecté. De mes 20 à 30 ans, je vois à quel point les enjeux de la cybersécurité, de la protection de la vie privée et des données personnelles sont essentiels. Dans les médias, les conséquences peuvent être irrémédiables. Des formations étaient même organisées sur ces thématiques. »

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Un an et demi de recherches et développement

L’expert en cybersécurité décide de sauter le pas et de se lancer dans l’entrepreneuriat. Il lance en 2019 sa société spécialisée dans la cybersécurité, Paladax avec un capital de 10 000 euros auquel va s’adjoindre une « Bourse French Tech » de 30 000 euros de la BPI France. Très tôt, il veut lancer un produit physique qui permet d’éviter la connectivité des appareils. Néanmoins, les moyens sont trop peu nombreux alors que son invention nécessite du temps et des moyens techniques. « Je voulais allier mes passions et mon projet professionnel. C’était un choix de vie. A l’image du mythe de l’ingénieur dans le garage de ses parents, je voulais inventer un objet qui pourrait rencontrer son public. »

Durant sa phase de test qui durera 1 an et demi (avec un ralentissement certain dû à la pandémie de Covid19), il assure en parallèle des formations et conseils en cybersécurité. La démarche n’est pas inutile tant la notion est encore trop souvent galvaudée. « J’assure des missions de formation à la « cyber hygiène ». Le collaborateur est le premier rempart contre les cyberattaques. C’est une culture d’entreprise à avoir pour comprendre que tout outil informatique fait partie d’une architecture de systèmes connectés. »

Avec des moyens simples et pédagogiques, il fait saisir l’importance des dangers pour les ordinateurs, portables et autres objets connectés. « Le paysage technologique est en constante mutation. Il n’est qu’une extension du monde réel. Plus nos vies sont sur le net, plus on risque des actes malveillants. Si la prise de conscience est réelle, elle n’est pas au niveau où elle devrait être. Les attaques peuvent venir de rivalités entre Etats, du crime organisé ou d’actions d’un hacker. On peut rendre la tache plus difficile à ces industries de l’extorsion, du vol d’argent ou de données,.. »

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Pégasus et ses conséquences

Umbra, le caisson valise pour la cybersécurité
DR

La finalisation de son produit Umbra tombe à point nommer, quelques mois après la « publicité » de l’affaire Pegasus. Ce logiciel incorporé  à l’insu des propriétaires a permis le suivi de personnalités politiques, journalistiques et autres. « Je ne me voyais pas développer un programme qui contient des milliers de lignes de codes et qui peut être compromis. L’affaire Pegasus n’est que la partie visible de l’iceberg. On assiste à une démocratisation des outils d’espionnage et d’interceptions. Toutefois, même les grandes sociétés comme Google ou Whatsapp font les frais de cyberattaques contre leurs produits. Un téléphone n’est rien d’autre qu’un ordinateur portatif. En conséquence, il ne peut donc être sécurisé en permanence. Par contre, la solution physique est 100% efficace. »

Après un an et demi de recherche et développement avec des ingénieurs, Othman Benmansour travaille sur l’acoustique avec un laboratoire de recherche, teste son travail et en sort avec son caisson-valise, Umbra. « Les téléphones et montres connectés sont accueillis dans un objet qui crée une bulle entre eux et avec le monde extérieur. Nous avons pris soin du design et de l’ergonomie pour qu’il puisse s’insérer dans plusieurs environnements. »

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Une présence au CES de Las Vegas

L’aboutissement de son travail commence à payer avec cette invitation faite par la région Ile-de-France au créateur de se rendre au plus grand salon technologique mondial, le CES de Las Vegas du 5 au 8 Janvier 2022. L’occasion pour Othman Benmansour de rencontrer des investisseurs, des partenaires potentiels ou des futurs clients. « C’est une opportunité formidable. On peut y échanger avec le monde entier et cela offre une visibilité importante à mon produit. »

Ainsi, le CES de Las Vegas sera aussi l’occasion pour le franco-marocain de passer l’étape de la levée de fonds. Avec un million d’euros, il devrait entamer la phase d’industrialisation de son produit qu’il destine dans un premier temps aux personnes sensibles (diplomates, journalistes, chefs d’entreprises, etc..). Vigilant sur la gouvernance de son produit, il souhaite qu’il soit réalisé en Europe. Son objectif : devenir un tiers de confiance pour sécuriser les échanges.