Une cagnotte pour financer un film sur les femmes maghrébines
Leila Aoujdad est originaire de Lyon. Après avoir fait une partie de ses études en Angleterre où elle a également travaillé pendant quelques années, elle part à travers le monde faire des reportages, de l’Equateur à l’Indonésie en passant par la Turquie ou le Nigéria. « Franco-maghrébines, portraits d’une nation française » est son premier documentaire. Un film qu’elle co-réalise avec Nabil Senhaji.
Pour pouvoir concrétiser son projet, elle a lancé une cagnotte en ligne :
https://fr.ulule.com/franco-
Pourquoi avoir décidé de vous lancer dans cette aventure ?
Ayant vécu plus de 15 ans à l’étranger, et après avoir beaucoup voyagé, je me suis rendue compte qu’il y avait un décalage entre les musulmans que je connaissais et ceux qu’on nous présentait dans les médias. Je connais le pouvoir des médias, pour avoir travaillé dans ce domaine pendant 7 ans. Il y en a qui créent une peur chez certaines personnes, dont on peut difficilement se défaire. Ils divisent la population française, c’est extrêmement dangereux. Etant touchée dans ce qui constitue une partie de mon identité, j’ai décidé, à mon petit niveau, comme le colibri, de faire ma part et d’apporter un regard serein, plus ouvert sur la notion d’identité française. Je désire apporter un regard optimiste sur l’avenir de notre nation, plurielle, loin de cette réalité monochrome véhiculée par certains politiques et médias.
Vous pensez donc à la puissance des films pour changer les mentalités…
Effectivement. Une image vaut mille mots, ou « maux », dans certaines situations ! Une image en mouvement en vaut plus encore. Ce que j’aime avec le cinéma c’est qu’on est tous touché de manière différente pour différentes raisons : la lumière, un geste, un regard, une musique, un mot…. Le cinéma permet d’aborder des sujets sensibles en faisant parler notre part de vérité. Dans mon film, j’aimerais mettre en lumière des témoignages authentiques. Accessoirement, ce film a une dimension pédagogique fondamentale. J’aimerais toucher les jeunes, ouvrir le débat sur toutes ces questions, d’identité, de vivre-ensemble, de transmission, de mixité… auprès d’un public varié : des jeunes (du primaire au lycée), aux entreprises en passant par le milieu associatif. Parce que ces questions nous concernent tous, elles s’infiltrent dans toutes les sphères de notre société.
L’offre proposée ne vous satisfait pas ?
Une chose est sûre : quand on regarde la télévision et certains médias « dominants », on voit bien que le sujet de l’Islam et des musulmans est un instrument incontournable pour « faire du buzz ». Personnellement, je m’inquiète de voir qu’une partie de mon identité est « prise en otage » par certains médias pour vendre du papier, des films, des conférences, des livres. Je trouve cela abject car il dénature notre humanité.
Je pense également qu’il faut sortir de cette idée que tout va mal, sortir du misérabilisme. Il y a de belles histoires à raconter, des rôles-modèles inspirants à mettre en lumière, et nous en avons besoin ! Ce film c’est aussi cela : mettre en lumière des femmes inspirantes pour cette génération qui en a tant besoin !
Justement, pourquoi avez décidé de donner uniquement la parole à des femmes ?
La femme est encore trop absente du paysage médiatique, sans entrer dans des chiffres et sans vouloir caricaturer, il y a en général une sous-représentation et une mauvaise représentation des femmes dans les médias. Notamment dans l’industrie publicitaire où la femme est encore un « instrument » qui fait vendre des voitures, des shampooings etc. J’aimerais, comme beaucoup je pense, une image de la femme plus digne.
Il ne s’agit pas d’exclure les hommes. Il y aura des pères, des frères, des maris qui vont témoigner. Pour comprendre quelqu’un, il faut comprendre également son contexte : des femmes veulent témoigner de la transmission avec leur père, d’autres de leur réussite grâce au soutien de leur mari… Il ne s’agit pas de polariser bien au contraire, mais de redonner la place de la femme dans son écosystème familial, social etc. Enfin, c’était important pour moi de souligner le rôle de la femme, et de son pouvoir créateur, porteuse de cette matrice originelle : c’est elle qui porte l’humanité, qui l’accouche et qui l’élève (je ne parle pas que des mères). Je parle du rôle créateur des femmes : ne dit-on pas que le changement passe par la femme ?