Un festival transmet la mémoire des luttes de l’immigration
Demain (8 février) débutera le premier Festival de l'acte théâtral engagé. Un théâtre héritier de cinquante ans de lutte de l'immigration, un « théâtre de résistance ».
Héritage
A la question « qu'est-ce que l'acte théâtral engagé ? », Salika Amara, de la troupe Kahina & Cie et une des initiatrices du festival, répond sans détour : « C'est du théâtre de résistance qui existe, par rapport aux thèmes que nous développons, après les événements de mai 68 ». Cette dernière cite la troupe El Assifa dont les sketchs, à l'époque, traitaient des conditions ouvrières des travailleurs immigrés, des rapports avec la police…
Dans la continuité des sketchs, la première pièce ayant été montée s'appelait « Ça travaille, ça travaille et ça ferme sa gueule ! ». Se raconter, sortir de l'invisibilité, un véritable enjeu : « Un théâtre pas fait pour des artistes professionnels, mais là pour parler d'eux puisqu'on n'en parlait pas, ces luttes étaient dans l'invisibilité ».
Message
Avec la troupe Kahina & Cie, créée dans les années 70, Salika Amara poursuit ce travail de transmission et de mémoire à travers diverses créations. Des pièces faites par, et avec, des amateurs qui ont pourtant du mal à passer dans les festivals non-professionnels :
« Est-ce que c'est à cause de la qualité ? On peut se poser la question mais je n'ai pas envie de l'entendre comme ça. C'est peut-être à cause du message que l'on porte (…) Je me suis dit qu'il fallait peut-être que nous créions notre propre festival ».
Transmission
Lors du festival, pendant trois jours, une pièce sera jouée chaque soir. Une première mettant en avant la parole de la jeunesse (Cie Hamma Meliani), une deuxième plus intergénérationnelle racontant l'histoire des luttes de l'immigration et une troisième faisant place aux femmes des quartiers populaires : « trois spectacles qui parlent de la même chose, mais ne le disent pas de la même manière ».
Mais pour la membre de Kahina et Cie, la chose la plus importante sera le débat avec les pionniers de ce type de théâtre : « Pour une fois, j'ai réussi à reprendre contact avec des personnes qui ont initié ce type de théâtre depuis les années 70, pour parler de cette période ».
Pas un «one shot »
« C'est aussi un théâtre de transmission et de la mémoire. Pour éviter tous ces propos où ces jeunes, qui n'ont pas de mémoire, pensent que leurs « vieux », sans être péjoratif, ne rasaient pas les murs », souligne Salika Amara en rappelant le long combat des Chibanis contre la SNCF.
Le premier festival de l'acte théâtral engagé a donc cette ambition de transmission, mais surtout sortir de la marginalisation cette mémoire des luttes de l'immigration.
Si pour cette édition du festival, seules deux troupes y participent, Kahina & Cie ainsi que la Cie Hamma Meliani, c'est dû aux difficultés de mise en place.
Malgré tout, la deuxième édition du festival est déjà dans les têtes des organisateurs : « Nous envisageons de faire un deuxième festival (…) Nous sélectionnerons les troupes qui ont cette même démarche de transmission de la mémoire de nos luttes ».
Charly Célinain
Festival de l'acte théâtral engagé – les 8, 9 et 10 février, à l'espace Jean Ferrat, Créteil (94)