Themeternel – Dix citations pour un confinement

 Themeternel – Dix citations pour un confinement

Marcel Proust


Nécessairement, l’écrivain est une personne de la solitude. Dans cette liberté infinie de l’intériorité seulement peut-elle déterrer ce qui s’y cache. Le temps d’un livre, lecteurs et lectrices sont aussi des êtres de solitude. Si aujourd’hui l’on peut se sentir seul, isolé, oppressé et prisonnier de sa propre demeure, là est probablement le meilleur moment d’exposer ces écrits rédigés entre quatre murs, dans lesquels dix grands auteurs rendent hommage, à leur manière, à des sentiments pourtant éprouvants. Il est peut-être possible qu’en deçà de l’ordinaire se terre l’extraordinaire, au-delà de la lassitude plane l’effervescence, et qu’aux côtés de l’immobilisme se meut le changement. 


« Quand j’étais enfant, le sort d’aucun personnage de l’histoire sainte ne me semblait aussi misérable que celui de Noé, à cause du déluge qui le tint enfermé dans l’arche pendant quarante jours. Plus tard, je fus souvent malade, et pendant de longs jours, je dus rester dans l’ « arche ». Je compris alors que jamais Noé ne put si bien voir le monde que de l’arche, malgré qu’elle fût close et qu’il fît nuit sur la terre. »


Marcel Proust – Les Plaisirs et les Jours


 


« Au fond, je n'ai tenu qu'à vous conseiller de croître selon votre loi, gravement, sereinement. Vous ne pourriez plus violemment troubler votre évolution qu'en dirigeant votre regard au-dehors, qu'en attendant du dehors des réponses que seul votre sentiment le plus intime, à l'heure la plus silencieuse, saura peut-être vous donner. »


Rainer Maria Rilke – Lettres à une jeune poète 


 


« Le drame d'une vie peut toujours être exprimé par la métaphore de la pesanteur. On dit qu'un fardeau nous est tombé sur les épaules. On porte ce fardeau, on le supporte ou on ne le supporte pas, on lutte avec lui, on perd ou on gagne. Son drame n'était pas le drame de la pesanteur, mais de la légèreté. Ce qui s'était abattu sur elle, ce n'était pas un fardeau, mais l'insoutenable légèreté de l’être. »


Milan Kundera – L’insoutenable légèreté de l’être


 


« Avec quelle rapidité le flot nous porte de janvier à décembre. Nous sommes entraînés par le torrent des choses; et ces choses nous sont devenues si familières que nous n'apercevons pas leur ombre. Nous flottons sur la surface du fleuve. »


Virginia Woolf – Les vagues 


 


« Une cause assurément produit un effet. Mais en morale il est tout aussi certain qu'une répétition d'effets tend à produire une cause. C'est là le principe de ce que nous appelons si vaguement l’habitude. »


Edgar Allan Poe – Marginalia 


 


« ''Ce grand malheur de ne pouvoir être seul!…'' dit quelque part La Bruyère, comme pour faire honte à tous ceux qui courent s'oublier dans la foule, craignant sans doute de ne pouvoir se supporter eux-mêmes. "Presque tous nos malheurs nous viennent de n'avoir pas su rester dans notre chambre", dit un autre sage, Pascal, je crois, rappelant ainsi dans la cellule du recueillement tous ces affolés qui cherchent le bonheur dans le mouvement. »


Charles Baudelaire – Le Spleen de Paris 


 


« Il n’est jamais trop tard pour se demander : « Suis-je prêt à changer de vie ? Suis-je prêt à changer intérieurement ? » Si un jour de votre vie est le même que le jour précédent, c’est sûrement bien dommage. A chaque instant, à chaque nouvelle inspiration on devrait se renouveler, se renouveler encore. Il n’y a qu’un moyen de naitre à une nouvelle vie : mourir avant la mort. »


Shams ed Din Tabrizi – Une de ses quarante règles soufies


 


« Est-ce que nous voyons la cent millième partie de ce qui existe ? Tenez, voici le vent, qui est la plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat les édifices, déracine les arbres, soulève la mer en montagnes d'eau, détruit les falaises, et jette aux brisants les grands navires, le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, qui mugit — l'avez-vous vu, et pouvez-vous le voir ? Il existe, pourtant. »


Guy de Maupassant – Le Horla


 


« Plutôt que de penser à ce que tu n'as pas, pense à ce que tu peux faire avec ce que tu as. »


Ernest Hemingway – Le vieil homme et la mer


 


« Une autre année s'écoula. La vie poursuivi son cours, imperturbable : chaque membre de la famille allait son chemin, avec ses heurs et ses malheurs. Si le père avait pu revenir parmi eux, il aurait été fort surpris des changements qui avaient affecté les corps, les esprits, la santé, les regards. »


Naguib Mahfouz – Vienne la nuit


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