Paris – La collection Al Thani du Qatar en exposition

 Paris – La collection Al Thani du Qatar en exposition

L’hôtel de la Marine


Les visiteurs de l’hôtel de la Marine, appartenant au Centre des monuments nationaux (CMN) pourront désormais se rassasier des  trésors d’un fonds de quelque 6 000 œuvres appartenant aux collections de l’émir du Qatar Hamad bin Abdullah durant vingt ans.


C’est une bonne nouvelle pour les férus de pièces d’art d’une rareté exceptionnelle.


L’accord signé entre le Centre des monuments nationaux (CMN), qui gère pour l’État nombre de grands monuments dont l’hôtel de la Marine, à Paris, et l’émirat du Qatar stipule que pour une durée de vingt ans en effet, des pièces de la collection d’art de l’émir Hamad bin Abdullah seront présentées, d’une part, de manière permanente pour une série de trésors de ce fonds de quelque 6 000 œuvres ; d’autre part, sous la forme d’expositions temporaires, la première d’entre elles étant annoncée au printemps 2020.


Cerise sur le gâteau, « la convention prévoit un don extrêmement généreux au Centre des monuments nationaux, qui viendra soutenir la restauration de l'hôtel de la Marine ainsi que d'autres projets patrimoniaux sur l'ensemble de son réseau », comme le précise le communiqué officiel.


Cette collection de Cheikh Hamad bin Abdullah Al Thani est composée de plus de 6 000 œuvres provenant de nombreuses civilisations de l'Antiquité à nos jours, une approche curatoriale marquée par l’intégration de multiples disciplines académiques et de différentes origines culturelles.


Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des pièces d’une rare qualité ont été mises à disposition dans des institutions ayant pignon sur rue à Paris par les Qataris, de l’exposition « Joyaux des grands Moghols aux Maharajahs », composée de somptueux bijoux issus des fonds de l’émir lui-même aux 63 pièces uniques de la collection qatarie, objet d’une récente exposition au Château de Fontainebleau.


Bien sûr, il y aura toujours des voix qui s’interrogeront sur l’opportunité d’accorder à « un arabe » fusse-t-il aussi prestigieux, la jouissance temporaire d’un espace aussi précieux  que l’ancienne Galerie des Tapisseries, de 400 m2 pour y exposer ces œuvres d’art. 


Mais pour faire la fine bouche, il faudrait en avoir les moyens et surtout l’accès à des collections privées aussi prestigieuses que celle-ci. Pour faire venir des œuvres de qualité même de manière itinérante, il faut beaucoup d'argent. Or c’est bien ce qui manque le plus aux institutions dédiées à la culture dans un pays où la demande est en essor continue, en témoignent les statistiques sur la hausse des visiteurs des musées dans un hexagone pourtant frappé de plein fouet par la crise économique.


En fait, rendre ce temple de l’art si accessible au commun des mortels n’a pas de prix, mais ce qui dérange certains dans la démarche qatarie, c’est que ce genre d’initiative jette la lumière sur une autre réalité du monde arabe, un monde arabe, une fois n’est pas coutume qui fait intrusion dans l’espace francophone par sa fenêtre la plus noble, celle de l’art.


Heureuse coïncidence, c’est au moment où les valeurs de diversité, de dialogue, de solidarité et de liberté défendues par la francophonie représentent une alternative à un monde de fermetures à double tour des frontières que ce genre d’approche répond bien au besoin des français de voir dans le monde arabe autre chose que le théâtre de guerres fratricides et de conflits sans fin.


Il y a en chaque être humain quelque chose de plus grand que lui, ce quelque chose ne peut être réduit à une simple œuvre d’art mais l’ensemble des œuvres d’art participent d’une dimension poétique , d’une déflagration de l’imaginaire qui transcende le temps, les espaces culturels et même les barrières de la langue. 


L’art peut être au service de la politique, mais peut-on envisager une politique où l’art n’aurait pas sa place ? 


Envisageons plutôt que l’art possède de fait une dimension morale et politique. Car si l’on comprend bien, c’est bien ce qui a motivé la décision du président du Metropolitan museum, Daniel H. Weiss, de refuser un don saoudien pour financer le colloque « Collecting and Exhibiting The Middle East », prévu mardi 23 octobre, ainsi que celle du Brooklyn Museum.


Le responsable a d’ailleurs indiqué que cette manifestation serait intégralement financée par le musée et qu’il n’acceptera pas l’argent du Misk Art Institute, une organisation proche du pouvoir saoudien, en conséquence du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi et des soupçons qui pèsent sur le régime du prince Mohammed ben Salmane.


Et ce, au moment même où nous avons tant besoin de faire en sorte que tout ce qu’une politique gagne, à faire de l’art un moyen supplémentaire de combattre les préjugés de son temps.