« La liberté commence ici » : Redécouvrir Jénine (Cisjordanie)
Le récit photographique du camp de Jénine (Palestine), par ses habitants, c’est ce que découvriront les visiteurs de l’exposition « La liberté commence ici ».
A partir d’aujourd’hui (14 juin), c’est un petit bout de Palestine qui sera accroché aux murs de la salle d’exposition Galerîle (Paris 20e). Intitulée « La liberté commence ici », cette exposition regroupe 200 photos, 40 textes (en arabe et français), le tout réalisé par vingt habitants du camp de Jenine (Palestine). Plus qu’un camp de réfugiés, Jénine est un symbole de la résistance palestinienne. Joss Dray, instigatrice de ce projet, nous parle de cette exposition avec passion.
LCDL : Comment est née l’idée de cette exposition ?
Joss Dray : C'est mon histoire avec le camp de Jénine. Je suis photographe, j'ai commencé à travailler dans le camp en 1989. Ensuite nous avons créé des missions civiles pour la protection du peuple palestinien en 2002-2003. En 2016, nous avons décidé de travailler sur la mémoire du camp. Mais cette fois-ci, en transmettant avec les habitants de façon à ce que ce soit eux qui s'expriment. Nous avons formé 20 personnes de 15 à 49 ans pendant un an. Ils ont fait des photos pendant un an et ça a donné cette exposition.
© Joss Dray 2003
Comment ont été choisies les personnes formées ?
Nous travaillions dans un centre de femmes. Nous avions pris contact avec le comité populaire du camp. Une des femmes, que je connaissais depuis 2002, était membre du comité populaire et parlait français. Nous nous sommes installés dans le camp et les inscriptions se sont faites dans le camp. Au départ le projet s'appelait « Revenir à Jénine ».
Dans ce cadre, les personnes se sont inscrites pour des ateliers de photos, d'écriture et ensuite de scénographie, puisqu'elles ont aussi participé à celle de l'expo. Pendant un an, nous y sommes retournés quatre fois, pour quatre missions. Quand nous n'étions pas là, elles continuaient à faire des photos et nous travaillions depuis Paris.
© Joss Dray 2002
Que racontent ces photos ?
Notre idée était de faire une exposition pour la commémoration de la Nakba. Donner la parole aux gens, qu'ils s'emparent de leurs images, pour parler de ce que signifie « réfugié palestinien » aujourd'hui.
En travaillant également sur la mémoire : 1989 la première Intifada, 2002 c'est la deuxième Intifada, la destruction du camp, la bataille de Jénine qui est une bataille de résistance parce que c'est un des camps qui a résisté à l'armée. Nous voulions avoir leur témoignage, celui de ceux qui avaient vécu 2002. J'ai rencontré des gens que j'avais connus en 1989. Des gens que j'ai connus en 2002. Et les petits enfants de gens avec qui on avait travaillé en 2002 et qui ont fait des photos.
C'est vraiment une transmission, à la fois de mon expérience avec eux sur toutes ces années et une formation pour pouvoir fonctionner avec des mots et de bonnes images. Et ils ont photographié le camp pour répondre à cette question « Qu'est-ce que ça veut dire d'être réfugié aujourd'hui ? ». Dans toute sa dimension humaine, sans victimisation. Nous sommes des êtres humains, debout, comme les réfugiés. Ce camp de Jénine, c'est un peu le symbole de la question palestinienne.
© Ahlam Beni Ghara
© Ahmad Wahdan 2002
Quelle suite pour l’exposition ?
Elle va beaucoup tourner. Nous serons accompagnés de l'UJFP, l'Union juive française pour la paix et l'ATMF, l'Association de travailleurs magrébins de France.
Nous allons essayer d'organiser une rencontre à Montreuil pendant un mois. Pendant que nous travaillions à Jenine, nous avons fait des Skype entre les réfugiés, ici et là bas, pour essayer de réfléchir aussi à « qu'est-ce qu'un réfugié ici aujourd'hui ? ». « Qu'est-ce qu'un réfugié palestinien ? ». Et qu'est-ce qu'ils ont de semblable ou de différent. C’était évidemment le but, parler aussi de la situation palestinienne, une situation un peu spéciale.
L’exposition sera accompagnée d’événements à Montreuil, puis à Aubervilliers pendant la quinzaine de la solidarité internationale. Nous sommes également en partenariat avec une galerie à Londres.
Nous voulons faire des rencontres autour de la Palestine bien sûr. De plus, c’est l’année de l’Israël en France. Nous voulions que la Palestine soit présente pendant cette année-là. On n'oublie pas les Palestiniens. En 2018, nous commémorons les 70 ans de la Nakba, eux fêtent l'anniversaire de la création de l'État d'Israël.
Propos recueillis par Charly Célinain
« La liberté commence ici », 6 rue Etienne Dolet, 75020 Paris (jusqu’au 6 juillet)