L’Algérie à l’honneur au festival de cinéma de Douarnenez
Créé en 1978 par un groupe de cinéphiles, le Festival du Cinéma de Douarnenez est devenu au fil des années un rendez-vous incontournable. Pour cette 42e édition, c’est l’Algérie qui est à l’honneur. Alors que le festival démarre ce samedi (17 – 24 août), Christian Ryo, le tout nouveau directeur (il est en place depuis octobre 2018) est très optimiste. « Ca va être blindé ! », assure-t-il.
LCDL : Pourquoi avoir choisi l’Algérie ?
Christian Ryo : Cela faisait longtemps qu’un pays du Maghreb n’a pas été à l’honneur. En 1994, le festival avait mis en avant la culture berbère mais depuis, plus rien, même si nous recevons régulièrement des artistes issus du Maghreb. Autour de l’organisation du festival, nous avons beaucoup de personnes qui sont sensibles à ce qu’il se passe de l’autre côté de la Méditerranée. Et puis, les histoires de la France et de l’Algérie sont extrêmement liées.
Le choix de l’Algérie n’est donc pas lié directement aux événements actuels ?
Non. La décision de mettre à l’honneur l’Algérie a été prise il y a un an, en mai 2018, bien avant les événements qui secouent le pays en ce moment. Cela aurait pu être l’Occitane, la Grèce, la Suisse, voire la Louisiane.
Cela tombe plutôt bien…
Oui. Faire un festival spécial Algérie alors que le pays vit sa révolution, c’est plutôt pas mal pour avoir du monde. Cependant, et je le rappelle, le but de notre festival n’est pas de coller à l’actualité. Nous ne sommes pas un média. Nous préférons une réflexion de fond. Ce qu’il se passe en Algérie rejoint ce qu’il se passe ailleurs, l’appropriation de la richesse, des biens, de la vie tout court, par un petit nombre, par une oligarchie qui ne veut pas renoncer au pouvoir. L’Algérie est un concentré de ce qu’il se passe dans le monde.
Ce n’est pas la première fois que le choix du pays colle avec l’actualité…
Notre association est aux aguets, donc intuitivement, on sent que les « choses » vont arriver. En 1989, juste après les manifestations de Tiananmen, le festival célébrait la Chine. En 2016, un mois après le coup d’état, la Turquie était à l’honneur à Douarnenez et l’année dernière, c’était au tour du Congo, quelques temps après la Présidentielle.
Attendez-vous beaucoup de monde cette année ?
Nous avons la chance d’exister depuis 42 ans et d’avoir donc un public assez fidèle. Sans grosse communication de notre part, avec le simple bouche à oreille, on voit une progression tous les ans. Douarnenez est une petite ville de 15000 habitants. On espère accueillir cette année en une semaine 30 000 personnes ! Ces derniers jours, il y a eu énormément de réservations pour les hébergements. C’est bon signe !
Comment est né le festival de Douarnenez ?
Ce festival a vu le jour en 1978, presque comme une évidence, quelques temps après que la région se soit soulevée contre l’implantation de la centrale nucléaire de Plogoff. Il y avait aussi ce besoin de reconnaissance de la culture bretonne. A l’époque, les gens d’ici se sont rebellés, notamment les femmes. Ils ont été rejoints par des militants du monde entier. Ce festival était une manière de rendre compte de toutes ces luttes. Ca a commencé avec la question des Indiens du Québec. Dès la première année, il y avait 3 000 personnes au festival.
Le festival se veut être un festival engagé…
Absolument. Nous assumons à 100% ! Nous sommes un festival politique mais pas politicien. L’idée est de se réapproprier notre environnement. Le festival de Douarnenez est un lieu de résistance, un endroit de réflexion où les débats fusent. Nous ne sommes pas toujours d’accord et c’est ça qui est beau.
Vous fréquentez le festival depuis longtemps ?
Oui. Depuis 1993, je viens assister au festival, je vois des films, assiste au débat mais de manière très assidue, que depuis 10 ans. Aujourd’hui, ce festival est devenu une seconde famille.
Vous êtes né en Bretagne, vous sentez-vous breton ?
Je suis originaire du Morbihan. Il y a des moments ou je vous aurais répondu clairement non, mais quand je voyage, je me rends compte que je suis breton. Par exemple, lors d’un voyage en Nouvelle-Calédonie, en discutant avec les natifs, j’ai senti que je l’étais, de par ma culture, que je partageais énormément de choses avec eux. En vrai, je ne suis pas nationaliste, je ne suis ni français, ni breton mais j’ai une culture particulière. Quand j’entends des vieilles dames parler le puel, (NDLR: langue parlée dans une vingtaine de pays africains), ou le kabyle, ça me rappelle ma propre mère qui ne parle pas non plus le français académique. Je suis un fils de parents modestes, ma mère a quitté l’école à 13 ans, a travaillé à 14. Elle éprouve les mêmes difficultés face à l’administration. Je ressens une proximité avec les gens « de peu ».
Vous dites aussi que vous êtes un transfuge de classe…
Effectivement. J’ai appris la langue de la bourgeoisie pour discuter avec elle. Encore plus quand on est directeur de festival mais je serai toujours un fils de gens modestes.