Karima Tahiri : « C’est ma façon de hurler ! »
Ses œuvres sont dédiées aux femmes et revendiquent ses racines. Karima Tahiri est une sculpteure de lumière, d’origine marocaine et berbère. Reconnue artisan d’art, elle imagine les choses en grand, pourquoi pas de la mise en scène ou du spectacle, et, au détour d’un jeu de mots, confie y croire « dur comme fer ». Interview.
LCDL : Vous êtes une artiste, vous faîtes de la ferronnerie d’art, de la création métallique. Quels sont les termes que vous employez pour vous définir ?
Karima Tahiri : C’est difficile de se définir. Je suis une autodidacte, une sculpteuse de lumière. C’est le terme qui me convient le mieux. Je joue avec l’ombre et la lumière en créant des luminaires chargés de symboles. Il y a de la poésie dans mon travail.
Comment en êtes-vous venue à travailler le métal ?
Petite, je dessinais beaucoup, je bricolais. J’ai ensuite fait des études de théâtre pour devenir comédienne, mais ça ne me convenait pas. Puis, je me suis dirigée vers la scénographie. Ce n’était pas ça non plus. Je me suis alors orientée vers l’architecture d’intérieur, métier que j’ai pratiqué pendant 10 ans. Je le pratique d’ailleurs encore.
L’idée de travailler le métal m’est tombée dessus du jour au lendemain. C’était il y a 5 ans. J’avais une vision. J’ai débuté avec de petits moyens, j’ai appris toute seule, avec une grande facilité. Il a fallu dompter la matière. Je continue de m’améliorer chaque jour. Très vite, au bout d’un mois, j’ai exposé.
Le fait de ne pas avoir fait de formation m’a permis une plus grande liberté. Mais on me prenait pour une folle dans le milieu : je travaille avec un outil dédié à l’industrie, que j’ai finalement ramené à l’art. Et mon support est une feuille de métal de 1 millimètre d’épaisseur. Mon travail, c’est de la dentelle ! Aujourd’hui, je suis reconnue dans le petit monde de la ferronnerie.
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Ça vous est venue « du jour au lendemain », pourquoi selon vous ?
Je sens que c’est inné. Cela vient sûrement de mes origines marocaines et berbères. Ce jeu de lumière… Ce sont les personnes qui découvrent mon art qui m’en font prendre conscience. Ce besoin de m’exprimer m’est apparu à un moment très dur de ma vie. J’avais besoin de créer. C’est en quelque sorte l’histoire d’une femme… Mon travail évoque notre lumière intérieure. Le métal est un carcan, je creuse dedans. C’est une libération. Cela m’a guéri de plein de choses… C’est ma façon de hurler !
Vous évoluez dans ce que l’on appelle, à tort, un « métier d’homme ». Vous considérez que vous participez à faire évoluer les mentalités ?
Quand j’expose, les gens sont agréablement surpris que je sois une femme. Je regrette que ce milieu soit considéré comme masculin. Aujourd’hui, je n’ai pas d’autre choix que de revendiquer le fait d’être une femme qui fait de la ferronnerie d’art. Mon travail me dépasse. Il ne s’agit plus simplement de ma « petite personne ».