Kamel Khati : « L’humain occupe le centre de mon travail »

 Kamel Khati : « L’humain occupe le centre de mon travail »

L’artiste Kamel Khati dévoile le 20 septembre son exposition « départs imprévus » empreinte de dualité et d’humanité.


Peinture, dessin, animation, Kamel Khati est un artiste plasticien dont les différentes techniques lui permettent de donner à réfléchir sur le monde actuel. Du 20 septembre au 5 octobre, au Centre Culturel Algérien à Paris, l'artiste présentera son exposition intitulée « Départs imprévus ». Kamel Khati nous en dit un peu plus sur son exposition et son travail en général. Entretien.


 


Pourquoi avoir intitulé votre exposition « départs imprévus » ?


Le titre de l’exposition « départs imprévus » donne à voir une complexité et un foisonnement liés au contexte social et politique contemporain. Il s’agit d’une polysémie qui renvoie aussi bien à une situation aussi tragique que réjouissante. Ainsi, ça raconte l’absence, l’éphémère, la mort, l’exil forcé, la solitude et la souffrance. Ça relate également un éventuel départ d’un despote, le passage d’une situation de guerre à un état de paix. De l’échec vers le succès, d’un état de servitude vers un état de liberté, etc. L’ambiguïté est omniprésente entre espoir et désespoir, entre doute et conviction. Cela reflète un état d’âme.


 


De façon plus générale, vous vous travaillez beaucoup sur l'humain, la personne. Qu'est-ce qui vous fascine ou que vous avez envie de faire ressortir chez l'être humain ?


L’humain occupe le centre de mon travail. Il y a une confrontation qui est évidente néanmoins. Celle de l’Homme à l’Homme. Dans mes sujets il y a une dualité qui est manifeste et qui figure soit à travers la composition, soit par le choix du médium et des matériaux. Ou encore, s’établissant entre le sujet et le regardeur suggérant, par là même, la notion de l’individu et du collectif.


Ce faisant, j’interroge ce rapport qu’entretiennent les Hommes, leur évolution dans le monde d’aujourd’hui avec tous les enjeux actuels à savoir économiques, culturels, politiques et technologiques. Sans oublier le défi écologique que nous devons relever avant qu’il ne soit


trop tard. L’humain constitue l’ultime cause à défendre, mais l’Homme demeure la principale conséquence et le seul responsable des maux que subit son congénère. Je veux rappeler que si l’espoir subsiste c’est grâce aux femmes et aux hommes du passé, d’aujourd’hui et de demain.


 


En tant qu'artiste plasticien vous utilisez plusieurs techniques. Qu'est-ce qui définit le choix de telle ou telle technique ?


Ce qui motive le choix de mes techniques m’échappe pour ainsi dire. C’est en fonction d’une envie du moment. Il y a des jours où je me lève et me lance dans un projet à l’huile. La fois suivante, ça pourrait être du dessin ou de l’animation image par image, ou bien encore une technique mixte. Il s’agit d’un choix qui s’impose tout seul.


Peut-être que mon inconscient agit en réaction au caractère excessif et saturé des images de toutes sortes circulant, de nos jours, en boucle à travers les réseaux sociaux et les médias. Le choix de ma technique serait-ce pour questionner la véracité de l’information fournie par ce flux d’images que nous découvrons chaque jour ?


Aussi, la contrainte matérielle me contraint à m’adapter. Supposons que je m’apprête à faire de l’huile sur toile et hop ! Je constate que je n’ai plus de toile. Il n’est pas question de ne pas travailler. Je me rabats sur ce qui est disponible : huile sur papier ou autre ! Quand bien même cela peut avoir une incidence sur le rendu esthétique, ce qui m’importe c’est de m’exprimer et créer.


Toutefois, il y a le papier calque, matériau fragile et discret presque « inexistant », qui revient régulièrement dans mes travaux, et qui intègre et incorpore mes peintures et mes dessins. Cela consiste en une modeste tentative de ma part afin de récupérer et de contrôler ce qui m’échappe dans mon propre travail. C’est comme une revanche sur les événements, une prise de parole dénonciatrice, libre et consciente.


 


Vous êtes né et avez vécu en Algérie. Vous êtes arrivé en France en 2007, était-ce une étape obligée pour votre évolution artistique ? Qu'est-ce qui a motivé votre départ d'Algérie ?


Je ne saurais dire si c’est une étape obligée, mais en tout cas c’est une étape marquante et déterminante dans mon évolution artistique. J’ai connu plein de personnes parmi mes connaissances, amis et proches, qui ont toujours rêvé à un départ vers d’autres cieux, à la recherche d’une vie meilleure et en quête de sécurité. Étrangement, ça n’a pas été mon cas. J’avais certes des rêves de voyages et d’aventures d’autant plus que durant la décennie noire nous étions coupés du monde, occupés à lutter contre la bête. Moi, je combattais mes peurs et mes craintes par l’art et grâce à l’art. Je passais des heures à dessiner et à peindre. Tout le temps, par tout. Je crois que l’art m’a beaucoup aidé durant ces moments, il m’a sauvé. C’est pourquoi émigrer n’a jamais été mon projet. C’est venu subitement un jour où je sentais qu’il fallait, vraiment, que je m’en aille. Je crois que je voulais « exister ». Quitter toute sa famille, sa maison et son pays est une dure épreuve, mais c’est un choix fait.


 


Qu'aimeriez-vous que les visiteurs aient retenu de votre travail quand ils sortiront de votre exposition ? 


J’aimerais bien que nous prenions tous conscience que pour bâtir un monde meilleur il faut que tout un chacun apporte sa pierre à l’édifice. Dans mon travail il y a souvent des surfaces blanches, vides, dépourvues de décor, rendant une sensation d’inachevé. C’est ma manière de convier mon prochain, le spectateur, à s’impliquer et à participer. A compléter ainsi cet espace invisible. Je pense que l’invisible n’est pas une absence, c’est juste une présence non perceptible. C’est à chacun de nous de l’ériger, de la faire « exister » par le cœur et par l’esprit.