« Idir combattait à nos côtés », Sarah Jamaa de l’association « Voix de Femmes »

 « Idir combattait à nos côtés », Sarah Jamaa de l’association « Voix de Femmes »

Sarah Jamaa


Sarah Jamaa se rappelle encore très bien de sa rencontre avec Idir. C’était en mars 2003, à Cergy-Pontoise (95). Le chanteur kabyle décédé à Paris, ce samedi 1er mai, n’avait pas hésité une seconde à venir participer à un débat que son association « Voix de Femmes »  (elle en est la directrice) avait co-organisé. Ce jour-là, le thème du débat était le mariage forcé. 


Vous avez été très peinée d’apprendre la mort d’Idir…


Oui, comme beaucoup. Je ne suis ni d’origine kabyle, ni d’origine algérienne et pourtant j’adorais Idir. Sans comprendre les textes de ses chansons, je ressentais beaucoup d’émotion en les écoutant. Quand j’ai appris sa mort, j’ai bien entendu pensé à la douleur de ses proches mais j’ai aussi immédiatement pensé à ma mère.


Il y a quelques années, lors de ses obsèques à l’église, on avait mis un des tubes d’Idir. « Ssendu » était l’une des chansons préférées de ma mère. La mort d’Idir est une grande perte pour l’humanité. La dernière fois que j’ai pleuré pour une célébrité, c’était à la mort de Mandela… 


Vous aimiez aussi l’homme…


Effectivement. En 2003, notre association lui avait demandé de venir débattre autour du mariage forcé et il nous avait répondu immédiatement par l’affirmatif. On ne l’avait pas supplié pour venir, ce qui est rare, pas comme tant d’autres…


Dès son arrivée, on avait tous été touché par sa gentillesse et sa disponibilité. Un grand monsieur cet Idir, il est resté disponible toute la soirée. La salle était bondée ce soir là.


Avant le débat, on devait projeter un film mais à cause d’un souci technique, c’est tombé à l’eau. Heureusement Idir était là, parce qu’il a rattrapé le truc, et de quelle manière ! Quand il a commencé à parler, on n’a plus pensé au film…


C’est-à-dire ? 


Contrairement à beaucoup d’hommes, il ne nous a pas expliqué ce qui était bon pour nous. Il n’a pas fait de grandes leçons de féministes, il a juste parlé avec son cœur. Les jeunes filles présentes dans la salle étaient tellement touchées quand Idir les a encouragées dans la revendication de leur liberté, qu’il s’agissait d’un combat digne.


Il répétait que c’était à elles de se battre et que personne ne le fera à leur place. Idir faisait déjà de « l’empowerment » à l’époque où personne n’en parlait. Il avait bien compris le slogan : "Ne me libère pas, je m'en charge". Idir combattait à nos côtés. 


Vos grands-parents, ont immigré en France et Idir vous touchait aussi pour une autre raison


Idir était comme un père de cœur qui a su exprimer tout haut ce que certains de nos pères n'arrivaient pas toujours à oser nous dire par pudeur. C'est pourquoi Idir nous veillera toujours.