Gabès Cinéma FEN : S. Kaadan, entre nostalgie et espoir pour la Syrie
En compétition dans la catégorie courts métrages, « Aziza » de Soudade Kaadan porte un regard original sur l'exil et la place des réfugiés syriens au Liban.
Il ne dure que 13 minutes, pourtant il en dit tellement sur la nostalgie des réfugiés syriens, sur leur exil forcé, sur leur place au Liban. « Aziza », le court métrage de la réalisatrice syrienne Soudade Kaadan, qui a reçu le prix du Grand Jury au Sundance Film Festival en 2019, faisait partie de la sélection de festival Gabès Cinéma FEN.
Humour, poésie, nostalgie, les spectateurs, comme les personnages du film, passent par tous les états en visionnant ces quelques minutes. Quelques minutes et un message fort dont nous parle Soudade Kaadan.
LCDL : Pourquoi le prénom Aziza pour la voiture ? Y-a-t-il une raison particulière dans le choix de ce prénom ?
Soudade Kaadan : C'est le nom de la voiture de ma sœur. Elle appelait sa voiture rouge Aziza. Quand elle a quitté le Liban, elle a vendu la voiture et laissé l'argent pour finaliser mon premier long métrage fiction « Le jour où j'ai perdu mon ombre », étant ainsi la productrice du film.
A ce moment là, nous n'avions pas assez de financement pour le finaliser. Ainsi, j'ai nommé la voiture dans le film, selon le nom de celle de ma sœur, qui nous a permis de relancer toute cette aventure filmique.
Lors de la leçon de conduite, le couple fait semblant d'avoir tué par accident un Syrien. Qu'avez-vous voulu exprimer avec cette image ?
C'était un moment d'improvisation pure. Dans le scénario, l'accident imaginaire était avec un Libanais. Et puisque les Syriens n'ont presque aucun droit au Liban, la panique que le personnage éprouve s'augmentait jusqu’à l'hallucination, même si l'accident était un acte imaginaire.
L'acteur syrien Abdel Monem Amayri, a soudain improvisé « j'espère qu'il est syrien » et je l'ai gardé dans le film. Car ceci exprime avec humour noir ce que les Syriens ressentent : leur vie où mort n'a aucune valeur dans un contexte raciste.
Lors de cette leçon de conduite, on a l'impression que dans cette voiture, sur les routes de « Damas », il semblerait que le couple cherche à revivre leur quotidien perdu. Est-ce quelque chose que ressentent beaucoup de réfugiés syriens au Liban ? Une certaine nostalgie ?
Oui, une sorte de nostalgie, mais ceci n'est pas seulement au Liban. Même à Berlin, les Syriens nomment les rues selon celles en Syrie, pour rendre le lieu un peu plus familier, pour qu'ils se sentent moins des étrangers, des exilés. Faire semblant qu'on n'a pas perdu son pays, qu' il est toujours là où on va.
Est-ce quelque chose que vous avez pu ressentir à titre personnel, peut-être dans une moindre mesure, à un moment dans votre vie ?
Tous mes films sont personnels, d'une façon ou d'une autre. Ce besoin de recréer la réalité et le passé perdu, l'illusion de garder un pays dans un jeu de nostalgie quotidien, le plaisir de toujours revivre les petits détails insignifiants d'un passé perdu.
Aujourd'hui estimés à 1,5 million, les réfugiés syriens au Liban vivent dans des conditions difficiles. Malgré les tensions au Liban, un retour de ces réfugiés en Syrie vous semble-t-il envisageable aujourd'hui ?
Tous les Syriens n'ont pas ce choix de rester ou non ; de retourner ou non. Pour des raisons politiques ou économiques.
Vous êtes née en France, avez étudié en Syrie puis au Liban. Est-ce important pour vous de témoigner de ce qu'il se passe en Syrie depuis 2011 mais également en dehors, avec la question des réfugiés ?
Bien sûr, c'est important pour moi de raconter notre histoire, notre expérience de guerre, d'exil et de réfugiés; mais il faut aussi dire que je racontais des histoires sur la Syrie avant même la guerre, avant 2011 dans mes films précédents. Également, notre histoire, étant Syriens, n'est pas limitée seulement à la guerre. Libérer le Syrien des stéréotypes dramatiques, c'est aussi croire qu'on aura un autre futur.
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