Critique d’Israël : Harvard bloque le recrutement du directeur de HRW

 Critique d’Israël : Harvard bloque le recrutement du directeur de HRW

Kenneth Roth devait rejoindre l’université Harvard après 29 ans passés à la tête de HRW. ANGELA WEISS / AFP

Le doyen de la prestigieuse université de Harvard a bloqué le recrutement l’ancien directeur de l’ONG Human Rights Watch. En cause : les critiques de l’universitaire et de son organisation contre l’oppression israélienne à l’encontre des Palestiniens.

Le Carr Center for Human Rights Policy de la Harvard Kennedy School a offert à Kenneth Roth un poste de chercheur principal peu après sa retraite en tant que directeur de HRW en avril. L’occasion d’intégrer l’une des écoles les plus prestigieuses du monde. Les anciens élèves de l’école Kennedy comptent plus d’anciens chefs d’État ou de gouvernement que toute autre institution similaire.

Après 29 ans à la tête de l’ONG, M. Roth est quant à lui une sommité au sein de la communauté des droits de l’homme. Il a notamment joué un son rôle crucial dans la création de la Cour pénale internationale et dans la lutte contre les ennemis des droits de l’homme. Pendant son mandat, HRW a multiplié son budget annuel par 15 pour atteindre 100 M$. Elle compte aujourd’hui 550 personnes travaillant sur une centaine de pays, contre 60 lors de sa prise de fonction.

Crime d’apartheid

Toutefois, le doyen de l’école Kennedy de Harvard, Douglas Elmendorf, en a décidé autrement. Selon le média The Nation (article en anglais), qui révèle l’affaire, le patron de l’université aurait cédé aux pressions de certains de ses donateurs, partisans d’Israël. Ces derniers n’ont pas digéré les critiques de HRW, notamment l’usage du mot « Apartheid » pour qualifier la politique israélienne.

Lire aussi >> Human Rights Watch accuse Israël de « crime d’apartheid »

« Israël est l’un des 100 pays que nous couvrons. Et même dans le contexte palestinien israélien, nous avons affaire au Hamas, à l’Autorité palestinienne, au Hezbollah. Nous sommes justes et objectifs, mais nous sommes critiques, parce que le gouvernement israélien mérite d’être critiqué. Il devient de plus en plus répressif et, comme nous l’avons constaté dans les territoires occupés, il commet le crime contre l’humanité de l’apartheid », a-t-il déclaré.

De nombreux ennemis

Kenneth Roth a lui-même admis avoir eu des soupçons lors de son entretien avec le doyen. Ce dernier lui a en effet demandé s’il avait « des ennemis », raconte-t-il au journal The Guardian. « Beaucoup », lui a-t-il répondu. Ajoutant « ce sont les risques du métier ».

« Mais ce qu’il voulait clairement dire, c’était Israël. Il ne voulait pas savoir comment j’ai été sanctionné par la Chine, sanctionné par la Russie ou attaqué par le Rwanda ou l’Arabie saoudite. Il voulait savoir : quelle était ma position sur Israël ? » explique M. Roth. Mais, son interlocuteur ne l’a pas informé que son recrutement était en jeu.

Cependant, la Nation signale que deux semaines plus tard, le doyen a dit à Kathryn Sikkink, professeure à la Kennedy School de Harvard, que Roth ne serait pas autorisé à occuper ce poste parce que HRW a un « préjugé anti-Israël » et que son ancien directeur avait écrit des tweets critiques d’Israël.

De riches donateurs pro-Israël

Selon le principal intéressé, Douglas Elmendorf a cédé à la pression de ses donateurs pro-Israël. « J’ai supposé à tort que le doyen de la Kennedy School valorise la liberté académique. Je suis peut-être naïf en rétrospective, mais je suppose que la critique d’Israël, comme de tout autre gouvernement, est tout à fait normale », a-t-il déclaré.

L’école a en effet reçu des dizaines de millions de dollars de partisans d’Israël tels que le milliardaire Les Wexner. Ce dernier aurait permis à des membres de l’armée et des renseignements israéliens d’y étudier. Un autre donateur important, Robert Belfer, est également étroitement associé à l’Anti-Defamation League et à l’American Jewish Committee. Ces organisations ont cherché à discréditer plusieurs groupes de défense des droits de l’homme pour leurs critiques à l’égard d’Israël. Belfer est de plus membre du conseil exécutif des principaux donateurs qui conseillent M. Elmendorf.