Crise en Libye : la fin du calvaire ?

 Crise en Libye : la fin du calvaire ?

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken (à gauche) assiste à une réunion avec le Premier ministre libyen Abdul Hamid Dbeibeh (à droite) à l’hôtel Marriott de Berlin, en Allemagne, le 24 juin 2021. ANDREW HARNIK / POOL / AFP

Comment mettre fin au chaos en Libye qui risque à tout moment d’embraser le pourtour méditerranéen ? La question qui taraude désormais l’Europe et les pays du Maghreb est dans l’agenda des chancelleries de ces pays.

 

C’est dans ce sens qu’on saura gré au Centre d’étude et de prospective stratégique (CEPS), think tank composé de plus de 1 200 membres issus de plus de 50 pays, d’avoir confié à l’institut de sondage OpinionWay le soin de réaliser une vaste enquête auprès des parlementaires européens sur l’évolution de la situation politique et sécuritaire en Libye, ainsi que sur l’état actuel des forces en présence.

Situation chaotique, la crise en libye est d’autant plus compliquée qu’elle intègre tous les éléments d’un pourrissement de la situation avec le tribal, l’économique, le géopolitique et le religieux. Un cocktail explosif qui fait qu’à chaque fois qu’on semble s’approcher du dénouement, ça repart en vrille.

On a eu les pourparlers de Skhirat (Maroc), salués par le Conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis d’Amérique et la Ligue arabe, parce que le Maroc avait réussi à mettre autour de la même table les belligérants dans un espace neutre approprié à une solution à la crise libyenne. On a eu les rencontres de Berlin fortement impliqué dans le dénouement de cette crise. Mais ce n’est pas pour autant que la Libye a retrouvé la place qui lui échoit dans le concert des nations.

10 ans après la fameuse agression militaire franco-britannique et la mort d’un Mouammar Kadhafi, chef d’Etat assassiné comme un vulgaire malfrat, la guerre civile qui a suivi , tout le gotha politique de la région retient son souffle depuis février dernier, car un gouvernement d’union nationale (GUN) a été mis en place, prélude à des élections « inclusives » qui devraient se tenir en décembre prochain.

Les réponses et les pourcentages énoncés dans le sondage sont d’autant plus intéressants qu’ils ont été effectués auprès de la crème des hommes politiques de l’Europe (les parlementaires européens).

Trop riches pour être exploitées dans un simple article de presse, les données apportent un éclairage inédit sur la crise puisqu’on apprend que contrairement aux idées reçues, la Libye a toujours constitué un sujet d’intérêt majeur pour l’Union européenne, et pas seulement les pays méridionaux, riverains de la mer Méditerranée (France, Italie, Grèce, Malte).

Les appréciations des 705 parlementaires européens quant à leur perception de la situation et le rôle qu’ils entendent jouer, en vue de la stabilisation politique due au relatif respect du cessez-le-feu acté en octobre dernier, apportent ainsi une vision originale sur la situation complexe de ce pays.

Face au risque terroriste, les députés européens ont exprimé une forte inquiétude à l’égard du contexte actuel. 81% le jugent d’ailleurs très préoccupant et c’est pour cela que 58% d’entre eux estiment que les autorités doivent orienter leurs efforts sur la lutte contre le terrorisme.

« Ce sondage est particulièrement instructif à plus d’un titre. Il conforte ainsi l’idée que la normalisation institutionnelle et politique viendra, en Libye, d’une incarnation et personnification du pouvoir qui a été l’objet, jusqu’ici, de guerres fratricides entre Libyens et aussi – et peut-être surtout – d’importation des conflits d’acteurs extérieurs, qu’ils soient le fait de voisins ayant leur propre agenda libyen (Algérie, Égypte…), ou ceux qui subissent les conséquences et affres d’un conflit qui aura fait plusieurs dizaines de milliers de victimes et provoqué le départ de centaines de milliers de libyens de leur pays, depuis 2011, vers les pays limitrophes (Tunisie, Tchad, Niger, Soudan…) ; ou encore, d’acteurs impliqués plus éloignés faisant de la Libye, le théâtre d’opérations de leurs propres griefs géopolitiques », explique Loïc Tribot La Spiere , le délégué général du Centre d’Etude et de Prospective Stratégique.

Sur le terrain, depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, aucune des forces en présence n’est parvenue à prendre le contrôle de l’ensemble du territoire libyen, éclaté sous la mainmise de multiples groupes armés. Cette situation explosive a débouché en 2014 sur le déclenchement d’une guerre civile.

Plus grave encore, les services secrets de nombreux pays, aussi bien occidentaux (France, Grande-Bretagne, Italie …) qu’arabes (Égypte, Émirats auxquels on peut ajouter la Turquie) ont joué un rôle néfaste en apportant un soutien à telles ou telles factions rivales. Maintenant que les députés européens eux-mêmes s’accordent à reconnaître qu’il faut tout faire pour éviter que le pays ne devienne une « seconde Syrie », l’espoir reste permis.