Creil. « Maintenant, tu sais comment je traite mes amies », le témoignage glaçant de Glenda, violée par son ancien professeur

 Creil. « Maintenant, tu sais comment je traite mes amies », le témoignage glaçant de Glenda, violée par son ancien professeur

Le lycée Jules-Ulhry de Creil (60), où enseignait un prof d’histoire-géographie qui a violé Glenda, alors âgée de 16 ans. Photo : DR

Il aura fallu vingt ans à Glenda, qui tient à garder l’anonymat, pour raconter le calvaire qu’elle a vécu en 2002. Alors élève au lycée Jules-Ulhry de Creil (60), la jeune adolescente de 16 ans a été agressée sexuellement par l’un de ses enseignants. 

C’est en apprenant que d’autres victimes ont été abusées par ce même professeur, qu’elle s’est décidée à déposer plainte pour viol, le 22 décembre dernier. L’enseignant a été suspendu à « titre conservatoire » en août 2021. Et en décembre de la même année, il est mis en examen pour des faits de « corruption de mineurs aggravée », « atteinte sexuelle sur mineurs ayant abusé de l’autorité conférée par ses fonctions », « harcèlement sexuel » et « détention d’images pédopornographiques ». Nous avons rencontré Glenda.

Pendant vingt ans, vous avez vécu avec cette chose terrible en vous …

Oui, j’ai eu beaucoup de difficultés à accepter ce que j’avais vécu. J’ai essayé d’en parler avec une proche à deux reprises, mais elle refusait d’entendre ce que j’avais à dire. J’ai fini par refouler ce que j’avais vécu et j’ai eu deux filles …

En 2016, je croise mon agresseur dans un supermarché. Je reconnais d’abord sa compagne, une ancienne élève du lycée. Sous le choc, je lâche mes courses et je rentre chez moi m’enfermer dans les toilettes et je pleure.

Puis, l’année dernière, je tombe sur un article du Parisien. On y parle d’un prof d’histoire-géo de ma ville, qui a été suspendu. Je contacte le lycée pour savoir s’il s’agit du même professeur, puis j’appelle le rectorat et le journaliste du Parisien. Et bingo, c’est le même !

C’est à ce moment-là que je décide de porter plainte à mon tour, près de 20 ans après mes agressions. Heureusement, les faits ne sont pas encore prescrits.

Vous dites que vous avez été violée par ce professeur…

Oui. Ça a commencé à mon premier contrôle où j’avais obtenu une excellente note. J’étais en seconde. Il avait mis un mot sur ma note : « Pour un joli sourire et une élève intelligente ». Même si j’étais gênée par ces mots, j’étais surtout heureuse qu’il voit en moi une personne intelligente.

A partir de là, on commence à parler de tout et de rien. Ça dépasse le cadre de l’école. Pour continuer à discuter avec moi, il passe par l’observation de ce que j’écoute et de ce que je lis : Renaud et beaucoup de poésie.

Par la suite, il a commencé à m’envoyer des messages ambigus et m’appelait « ma puce ». Nous devenons de plus en plus proches et me sentant en confiance, je lui raconte les difficultés que je vis à la maison.

Un jour, je ne vais vraiment pas bien et sentant ma détresse, il me demande de venir chez lui. Dans son appartement, il passe à l’acte et me viole. J’étais tétanisée, incapable de réagir. Sur le point de partir, il me dit : « Maintenant, tu sais comment je traite mes amies ».

Vous étiez une très bonne élève et vous avez fini par quitter le lycée …

Malheureusement oui. Je finis ma seconde en faisant en sorte de ne jamais mettre les pieds chez mon agresseur. L’année se termine tant bien que mal.

Mais un jour, alors que je suis en première, mon agresseur de professeur me demande devant un groupe d’élèves, surtout en présence de garçons, si j’ai changé de numéro parce que je ne répondais plus à ses sms. J’ai vécu ça comme une humiliation et je ne suis plus retournée au lycée.

Beaucoup n’ont pas compris mon départ parce que devant les autres élèves, je montrais toujours que j’étais quelqu’un de fort. C’était pour masquer ma dure réalité.

J’ai grandi dans un environnement familial très compliqué. L’école était mon refuge, le seul endroit où je me sentais en sécurité, et pourtant, c’est dans cet endroit qu’on m’a fait du mal … Malgré tout, j’ai quand même obtenu mon Bac l’année d’après en candidat libre.

Vous racontez que votre ancien professeur envoyait des sms à ses élèves, les raccompagnait même parfois à moto …

Oui. Je l’ai appris après avoir témoigné de mon viol suite à des contacts que j’ai eus avec des anciens élèves. Ils m’ont dit que tous les adultes étaient au courant, que ça ne choquait personne, qu’il n’était pas du tout discret dans sa manière d’agir.

Il allait boire des coups avec des filles en face de l’école, faisait des fêtes chez lui avec les lycéennes, ramenait les lycéennes parfois jusqu’à chez elles à moto. Moi, il ne me ramenait que sous prétexte de me rendre service, car j’allais mal.

Je n’étais pas au courant du reste parce que je ne sortais pas vraiment avec mes camarades, je les voyais juste au lycée, c’est tout. Je ne buvais pas, ne fumais pas, donc je n’étais pas dans ce cercle. J’étais en décalage total, je ne vivais pas la même vie.

J’ai même appris qu’il demandait à des filles de s’habiller de telle manière à son cours pour lui faire plaisir… Il sortait avec son ancienne élève qui venait le chercher régulièrement devant le lycée.

Avec du recul, je me demande encore comment il a pu enseigner autant de temps en se comportant de la sorte…

Vous pensez donc que l’éducation nationale a fermé les yeux…

Totalement. Après sa mise en examen en 2020, le lycée a changé de proviseur. Je vois ça comme une sanction. Tous les élèves étaient au courant, donc les professeurs devraient l’être aussi.

Qu’attendez-vous de la justice ?

Déjà, que toutes les victimes puissent raconter ce qu’elles ont vécu. Et qu’on nous explique comment un tel professeur, un agresseur multirécidiviste a pu travailler tout ce temps dans un lycée. L’éducation nationale a failli. Et j’espère que si procès il y a, il permettra de répondre à toutes ces questions.

Et puis, j’ai besoin de justice pour me permettre de tourner la page. Malgré ce que j’ai vécu, j’ai fait ma vie. J’ai des enfants et mon seul souhait c’est qu’ils ne subissent jamais ce que j’ai vécu.

>> A lire aussi : Viol d’une fillette au Maroc : peines alourdies en appel