Covid : Les pays riches ont déjà commandé la moitié des futurs vaccins
Alors qu’une partie de la planète subit de plein fouet la deuxième vague de l’épidémie de covid-19, le besoin d’un vaccin se fait de plus en plus pressant. Les récentes annonces concernant trois projets de vaccin apparaissent comme le début de la fin de la crise. Mais, les chiffres de prise de commande montrent que tous les humains ne seront pas égaux dans l’accès à la vaccination.
Les récentes annonces concernant trois projets de vaccin contre la covid-19 ravivent l’espoir d’un retour à la normale d’ici quelques mois. La course bat son plein entre les laboratoires pharmaceutiques. Le 9 novembre, le consortium Pfizer et BioNTech a annoncé que son vaccin expérimental était efficace à plus de 90 % dans les essais initiaux. Un résultat similaire au projet de vaccin que Moderna a annoncé quelques jours plus tard. Un peu moins efficace (70 %), le candidat vaccin élaboré par AstraZeneca et l’Université d’Oxford présente cependant l’avantage de se satisfaire d’une logistique bien moins compliquée que ses concurrents.
Chinois, russes, américains, européens, au total huit autres projets ont lancé leurs essais à grande échelle. Dernière étape avant la demande de certification par les autorités sanitaires. Autant de bonnes nouvelles donc au terme de longs mois d’une crise planétaire inédite.
Mais, peut-être pas pour tout le monde. Maintenant qu’un calendrier de mise sur le marché d’un ou plusieurs vaccins se précise, se pose en effet la question des modalités de cette vaccination à l’échelle mondiale. Il ne sera pas aisé de produire les vaccins disponibles en quantité suffisante pour immuniser le monde entier. Il n’est donc pas étonnant que les pays se démènent pour sécuriser l’approvisionnement en vaccins candidats, avant même de connaître les résultats définitifs des tests en cours.
10 doses par Canadien
À ce jeu-là, un petit groupe de pays riches a déjà mis la main sur la moitié des premiers vaccins à produire par les laboratoires. Grâce à des accords, connus sous le nom d’engagements anticipés de marché (AMC), ils s’assurent ainsi d’être les premiers servis.
Les données recueillies par les chercheurs du Global Health Innovation Center de l’Université Duke (en anglais) montrent que les pays à revenu élevé représentent plus de la moitié de tous ces achats confirmés. Les États-Unis s’accaparent à eux seuls de près d’un sixième de ces AMC. L’administration américaine a précommandé plus d’un milliard de doses auprès d’une demi-douzaine de fabricants, soit trois injections par personne.
Le Canada a quant à lui acheté dix doses pour chacun de ses citoyens, plus qu’aucun autre pays. L’Union européenne a pour sa part sécurisé plus 1,4 milliard de doses, soit 2,5 injections pour chaque Européen.
Comment vacciner les pays pauvres ?
En revanche, les chercheurs de Duke estiment que les pays les plus pauvres auront plus de mal à obtenir des vaccins à leur mise sur le marché. Or, l’OMS a mis en garde contre le caractère contre-productif de ce nationalisme vaccinal. En effet, l’épidémie reculera plus vite si une proportion homogène de la population mondiale est vaccinée. La lutte contre la covid pourrait au contraire être ralentie si les vaccins sont répartis trop inéquitablement entre les pays.
Plusieurs pays moins favorisés devront s’appuyer principalement sur COVAX. Cette alliance codirigée par l’Organisation mondiale de la santé vise à développer et distribuer équitablement un vaccin covid-19. Le programme s’est engagé à acheter 500 millions de doses en promettant un accès égal à tous les pays participants, quel que soit leur revenu. L’Europe, la Chine, l’Australie mais aussi plusieurs pays du Moyen-Orient et d’Amérique latine participent au programme avec l’objectif de vacciner au moins 20 % des populations des pays partenaires.
Certains pays aisés partagent avec des pays moins favorisés. L’Australie, qui va acheter cinq doses pour chacun de ses citoyens, a également proposé de fournir des vaccins à ses voisins du Pacifique. La Chine, qui a annoncé avoir rejoint l’installation COVAX le 9 octobre, a également promis de partager ses vaccins avec des pays plus pauvres avec lesquels elle entretient des liens étroits, notamment la Birmanie, le Cambodge et les Philippines.
Et le Maghreb ?
Même si certains médias évoquent plusieurs millions de doses commandées par le Maroc, le gouvernement n’a confirmé aucun chiffre. Toutefois, le Royaume est en discussion avancée avec plusieurs laboratoires. Le pays participe ainsi aux tests cliniques du laboratoire chinois Sinopharm et dispose des installations pour produire des doses injectables préremplies de son vaccin fourni.
Comme ses voisins maghrébins, la Tunisie a choisi – tardivement – de s’engager dans l’initiative COVAX de l’OMS. En dehors de cette démarche, elle n’a précommandé que 250 000 doses du candidat vaccin de l’Américain Johnson & Johnson. Un chiffre bien faible, à peine suffisant pour immuniser 1 % des Tunisiens, à raison de deux doses par vaccination. Le pays compte donc sur le programme COVAX pour obtenir les vaccins nécessaires à sa population à risque d’ici au printemps 2021. Mais, la vaccination généralisée semble bien loin, à la fois en termes de quantité et de coût.
L’Algérie, un des pays africains les plus touchés, semble également principalement compter sur l’initiative COVAX pour se fournir en vaccins. Le gouvernement n’a annoncé aucune commande auprès des différents laboratoires. Le pays a toutefois engagé des négociations avec les laboratoires américains Pfizer et Moderna, selon Fawzi Derrar, directeur de l’Institut Pasteur d’Algérie.