Covid-19. Tunisie : Réquisition des cliniques privées
Mesure du dernier recours, pratiquée en temps de guerre ou de catastrophe naturelle, la réquisition par le pouvoir des établissements de santé privés est devenue depuis hier dimanche une réalité en Tunisie.
La mesure d’exception est réclamée de longue date par de nombreux professionnels du secteur sanitaire et plus généralement les Tunisiens faisant face à l’effondrement du système de santé publique.
Si le président de la République Kais Saïed n’avait jusqu’ici que simplement agité la décision sous forme de menace, c’est finalement la Kasbah qui enregistre quelques points politiques dans le cadre de sa cohabitation avec Carthage, en en faisant une réalité.
C’est en effet le chef du gouvernement Hichem Mechichi qui a donné le 18 juillet ses instructions à plusieurs gouverneurs de de réquisitionner l’ensemble des cliniques privés afin d’accueillir les malades séjournant dans les hôpitaux qui enregistrent une pénurie en oxygène. Sont concernés dans un premier temps plusieurs grands gouvernorats dont Tunis, Ariana, Ben Arous, Sfax, Sousse, Nabeul, Kairouan, Monastir, et Médenine.
Cette mesure d’exception « restera en vigueur jusqu’à la reprise du rythme normal de l’approvisionnement en oxygène », indique la présidence du gouvernement dans un bref communiqué.
Prise en charge des frais par l’Etat
Au moment où Mechichi s’apprête à donner sa première allocution télévisée depuis plusieurs mois ce soir lundi à 20h00, une source du Palais du gouvernement a précisé dans la même journée, en marge d’une réunion avec le patronat du secteur des cliniques privés, les modalités de ladite réquisition : c’est bien l’Etat qui prendra à sa charge les coûteux frais d’admission et de séjour dans ces établissements.
La même source a également tenu à préciser qu’aucun établissement hospitalier public n’a enregistré de rupture d’alimentation en oxygène « contrairement aux informations qui ont circulé le weekend écoulé, bien que les niveaux d’oxygène aient atteint des niveaux critiques ».
Samedi 17 juillet, le président français Emmanuel Macron a une nouvelle fois tenu à évoquer expressément l’urgence d’agir en Tunisie, à 5 jours d’intervalle avec l’évocation singulière du pays dans son allocution du 12 juillet : « Soutien et amitié au peuple tunisien durement touché par la pandémie. Il y a urgence à agir. Nous venons d’acheminer de l’oxygène. Du matériel médical suivra dans les prochains jours. La France sera toujours au rendez-vous de la solidarité », peut-on lire dans un tweet très commenté sur la toile.
Soutien et amitié au peuple tunisien durement touché par la pandémie. Il y a urgence à agir. Nous venons d’acheminer de l’oxygène. Du matériel médical suivra dans les prochains jours. La France sera toujours au rendez-vous de la solidarité.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) July 17, 2021
Répercussions du « Hammamet gate »
Une cellule de crise du ministère de la Santé s’était tenue tard dans la nuit de samedi à dimanche, sous la présidence du chef du gouvernement Hichem Mechichi qui l’a rejointe tardivement, pour penser une série de mesures censées palier le manque d’oxygène dans les hôpitaux face au 4ème pic de la pandémie. Malgré les nombreux dons de pays étrangers, et l’intervention de l’armée tunisienne chargée de leur distribution, les concentrateurs d’oxygène tardent visiblement à être acheminés une fois arrivés à Tunis.
>> Lire aussi : Arrivée à Tunis du premier lot de l’aide médicale marocaine
Quelques heures auparavant, une « story » instagram du ministre des Transports Moez Chakchouk, se pavanant dans une piscine d’un luxueux hôtel à Hammamet avait créé une vive polémique sur les réseaux sociaux. Lorsqu’un imposant cortège quitte l’hôtel, on comprend alors que plusieurs membres du gouvernement, dont Hichem Mechichi, avaient choisi cet endroit paradisiaque pour se réunir pour le deuxième weekend consécutif. Scandalisée, l’ONG de vigilance I-Watch demande depuis la démission du gouvernement.
L’accélération des mesures gouvernementales, tout comme la sortie médiatique de ce soir lundi, s’expliquent donc pour plusieurs observateurs par une volonté de faire oublier les cafouillages communicationnels et logistiques du déjà affaibli gouvernement Mechichi.