Covid-19. Confinée chez mes parents

 Covid-19. Confinée chez mes parents

Covid-19- Confinée chez mes parents. Nassaïme Mabrouki, étudiante en 6ème année de médecine

De toute cette expérience Corona, j’essaie de tirer des apprentissages, des notions, pour essayer d’une part de relativiser et d’autre part de tirer du bon même du mauvais (kitch à souhait, mais qui n’y succombe pas parfois). Enfin bref, j’ai retourné la situation dans tous les sens, j’en ai tiré quelques leçons, mais j’ai remarqué quelque chose de bien plus important. Plusieurs en ont déjà parlé, ça a déjà été évoqué, mais au final, quand je défile sur instagram et facebook, je vois plus de banana bread et de yoga qu’autre chose. Et c’est ce dont je veux vous parler aujourd’hui.

 

J’ai une super famille, et c’est mon plus bel apprentissage de 2020. Ne vous méprenez pas, j’ai toujours eu une super famille. Et là, tout le monde va dire ‘mais moi aussi, j’adore mes parents, on est super copain’, désolée de vous décevoir mais la mienne est mieux (phrase piquée de la phase skyblog 2000).

Le couple et les parents

On a toujours été une famille très unie, et je ne dis pas ça pour la forme ou pour faire joli, mais car c’est la vérité. Et je vais essayer ici de regrouper quelques détails pour lesquels je suis extrêmement reconnaissante, et par la même occasion, dresser le tableau d’une famille idéale selon moi.

Point le plus important : Je suis DEVENUE amie avec mes parents. Et c’est quelque chose que je considère comme primordial. Je m’explique, nous nous sommes toujours amusés, nous avons toujours eu des tonnes et des tonnes d’inside jokes, mais la relation parents-enfant a toujours été là. Nous ne nous permettions pas d’intervenir dans leur vie privée de couple, de parents (c’est un autre point, mais j’ai compris il y a quelques années qu’il y avait le couple, et les parents. Et ce sont deux identités distinctes qu’il ne faut pas confondre), nous ne nous permettions pas de donner nos avis, ou même d’écouter, lorsqu’ils parlaient de sujets qui ne nous concernaient pas, tout simplement car la limite parents-enfants était là. Elle n’a jamais été dite, ce n’est que plus tard que je m’en suis rendue compte. On ne nous a jamais dit ‘quand je parle à ton papa tu n’écoutes pas’ ou autre, mais c’était comme évident. Et c’est quelque chose dont je suis très fière : leur éducation a toujours été claire, nette, sans hypocrisie, et finalement naturelle. Ça coulait de source. Et c’est très certainement grâce à toutes les valeurs inculquées telle que ‘Ne mets pas la main sur le bien d’autrui’ qui s’étendaient à tous les aspects de nos vies. C’était tellement sincère et authentique qu’on ne pouvait pas le pratiquer à moitié. C’était dans leurs cœurs et toujours avec bienveillance.

Donc comme je l’ai dit, nous sommes devenus de plus en plus amis, comme vous le seriez avec un  membre extérieur de votre famille. Nous avons toujours été proches oui, mais ce n’est que depuis que nous sommes jeunes adultes qu’on se permet nous-mêmes d’intervenir dans leurs histoires. Attention, en aucun cas cela veut dire que nous n’étions pas inclus dans les décisions, et j’en arrive à un deuxième point.

 La parole des enfants

Jamais de ma vie je ne me suis sentie inferieure. A aucun moment, je ne me suis sentie pas à ma place, pas leur égal (bizarre mais vrai), et pour la simple raison qu’ils nous ont toujours intégrés au cercle familial, aux prises de décisions, à tout. Le spectre de la consultation s’étendait d’une sortie au restaurant au choix de l’achat d’une voiture par deux enfants de 10 et 14 ans (véridique). Ça semble banal, mais regardez autour de vous, et dites-moi sincèrement que la parole est autant donnée à des enfants. Je ne le vois pas en tout cas. Ce que je vois ce sont des parents décideurs et des enfants suiveurs. On ne doit pas confondre ça avec les enfants tyrans, ou les caprices, car la décision revient inévitablement aux parents (qu’est-ce qu’un enfant de 5 ans va vous faire concrètement), mais leur donner la parole, les inclure dans chacune des décisions familiales renforcera inévitablement vos liens familiaux d’une, mais leur apportera un fort sentiment de niche sensorielle, de sécurité, d’amour, et surtout de valeur. Je ne m’en rends compte que maintenant bien sûr, mais c’est grâce à tout ça, qui est un vrai travail de fond et difficile de la part des parents, que je sais que j’ai mon mot à dire, que je sais que j’ai à parler pour mes idées, et que je sais qu’on prend toujours des décisions après avoir consulté. C’est une certitude qu’on ne m’enlèvera jamais car elle est ancrée en moi (je fais la review de mes parents, et la mienne au passage).

Donc donner la parole aux enfants est primordial, vous en aurez tout autant à gagner et vous ferez d’eux de meilleurs adultes (et on en a bien besoin de meilleurs adultes…)

Donner la parole aux enfants ne veut pas dire répondre à leurs caprices, car face à cela ils étaient intransigeants. Les caprices, les bêtises n’étaient pas tolérées, et nous étions punis. Je ne rentrerais même pas dans le débat de frapper pas frapper un enfant, car nous n’avons jamais reçu ne serait-ce qu’une tape sur la main, et je ne veux même pas expliquer pourquoi ce n’est pas nécessaire, car ça a toujours été un grand NO NO dans nos vies. Mais nous étions punis, et pas discrètement. Je parlerais plus d’un point de vue de société arabe ici. Au Maroc, les parents ont honte de punir leurs enfants devant des gens, et c’est fait par un petit pincement sur la cuisse sous la table ou après que les invités soient partis (une gifle pas une punition). Mais l’enfant s’en fiche croyez-moi, il va profiter son moment, vivre sa best life, et se faire punir après. Car c’est incohérent, rien ne l’empêche d’être malpoli, car il sait qu’il n’y aura aucune répercussion immédiate l’empêchant de faire ce qu’il veut. Mais ce n’était pas notre cas, nous nous avions droit à  une punition cohérente, sur le coup. Une bêtise, au coin, qu’il y ait des gens ou non peu importe. Et c’est naturel, car où est la honte d’avoir un enfant qui n’est pas sage comme une image, ou de le punir. Et ne pas comprendre cela, c’est là le début de l’incohérence que le petit cerveau lui comprend très vite.

 » Ma chance a été là, mes parents ne prétendent pas ce qu’ils disent »

Et la fameuse crise d’adolescence, pour ma part je ne l’ai pas connue. D’abord, je n’aime pas cette expression que je trouve très péjorative. Pour moi, l’adolescent est au maximum de ses capacités de compréhension, il est en recherche d’autonomie, de justice sociale, il veut s’affranchir de l’emprise de ses parents, et cherche un sens à ce qu’il voit. Ses idées inculquées pendant l’enfance sont mises en confrontation avec le monde tel qu’il est réellement. Il se cherche, et en fonction de son entourage, suivra un certain idéal. Alors je n’aime pas dire que c’est une crise, c’est la naissance d’un jeune adulte.

Et (je ne me vante pas intentionnellement), je suis très fière d’avoir bien été entourée pendant cette période. Of course, j’ai été parfois insolente, j’ai fait quelques bêtises, qui comptent parmi les meilleurs souvenirs de ma vie, mais le point important est que j’ai toujours entendu mes parents me répéter que j’étais jeune, capable de tout réaliser, capable de changer la société qui me déplaisait beaucoup, capable d’entreprendre et de réussir tout ce que je voulais. Et j’ai été extrêmement fière de voir que les valeurs qu’ils m’avaient inculquées, petite, n’étaient pas que de la décoration, mais qu’eux-mêmes les mettaient en pratique chaque jour. Car c’est un autre problème ça aussi, et pas des moindres. Entendre chaque jour depuis l’enfance qu’il ne faut pas mentir, pas voler et se rendre compte que nos parents le font chaque jour… Invariablement, cela pousse le cerveau de l’enfant et de l’adolescent à tout remettre en question, et surtout à tout rejeter. Et ma chance a été là, mes parents ne prétendent pas ce qu’ils disent. Ils sont foncièrement ce qu’ils disent être. Et je suis fière et je le dirais toute ma vie, ils sont droits, ils sont honnêtes, ils sont cohérents et ils nous ont toujours enseigné ces valeurs.

Je suis bien consciente que je suis qui je suis grâce à eux, que ce qu’ils m’ont enseigné est gravé en moi, et cela m’amène à un autre point. La recherche personnelle de la vérité. Toujours à cette même adolescence, quand on se cherche et se questionne, on peut être face à deux cas de figure. On peut être encouragé à continuer notre recherche, ou on peut être réprimandé, car il est interdit de remettre en question nos apprentissages, la religion, les  principes etc. Dans un cas de figure, vous aurez des adultes en paix avec eux-mêmes, convaincus de qui ils sont, de ce en quoi ils croient, de leurs valeurs, de ce qu’ils appliquent dans leur vie, et dans l’autre, vous aurez des adultes torturés, prêchant un discours mais en pratiquant un opposé, aigris et hypocrites. Je vous laisse deviner qui on retrouve le plus dans notre société.

Quête de vérité

Et c’est peut-être encore une de mes plus grandes fiertés,  je suis fière d’avoir des parents qui m’ont toujours poussée à vérifier par moi-même chacune de mes pensées, à avoir un discours philosophique quand je m’exprimais, à chercher toujours plus loin si je disais avoir aimé quelque chose. Un exemple banal sur la beauté : on m’a toujours dit ‘Ok, mais c’est quoi la beauté finalement’ et ça semble bête, mais à 10 ans c’est plutôt pas mal d’analyser ce que je vois dans les films, les livres et les publicités. Et pas juste m’arrêter à ‘Ok la beauté est multiple, la beauté est intérieure’ mais vraiment une véritable recherche qui m’a poussée à analyser ce que la société considérait comme beau du temps de Napoléon à aujourd’hui.

Donc la recherche personnelle de la vérité, ne pas avoir peur de remettre en question, car remettre en question ce n’est pas rejeter ou réfuter une idée, c’est l’analyser, la comprendre, pour mieux la pratiquer si on en est effectivement convaincu.

Je peux vous assurer que c’est toujours un plaisir et une joie de discuter avec mes parents, et c’est précisément pour toutes ces raisons. J’ai été aimée irrévocablement, j’ai été écoutée, on m’a prêté beaucoup d’attention, on m’a toujours bien guidée, et toujours avec cohérence et bienveillance. Une famille ça peut être la meilleure comme la pire des choses, et je serai éternellement reconnaissante d’être née auprès de parents comme les miens.

Je ne veux pas qu’après avoir lu ça vous ressentiez de la frime de ma part, je voulais juste exprimer mon ressenti sur mes apprentissages du confinement et sur ce que je trouve essentiel pour avoir une relation saine avec ses parents, et au final pour être un meilleur adulte. Ce ne sont pas des choses qui doivent s’appliquer automatiquement dès l’enfance, à tout âge on peut les mettre en place, et c’est ce que je trouve magique. Alors si ces quelques points peuvent faire un bout de chemin dans votre cerveau c’est plutôt pas mal, car purée, 2020 ça ne va pas les gars !

Nassaïme Mabrouki, étudiante en 6ème année de médecine