Conversion de Sainte-Sophie en mosquée : les réactions s’empilent
Depuis l’annonce du président turc Recep Tayyip Erdogan, le 10 juillet 2020, visant la conversion de l’ex-basilique Sainte-Sophie en mosquée, les critiques de par le monde s’accumulent. Le dernier en date : le pape François, hier, qui s’est dit « très peiné » de cette décision. La veille, Erdogan a formellement rejeté les condamnations internationales dans une visio-conférence.
« Ma pensée va à Istanbul, je pense à Sainte-Sophie. Je suis très peiné », a déclaré, hier, le représentant de l’Église catholique le pape François. Ces quelques mots prononcés à l’issue de la prière de l’Angélus au Vatican, sont bien loin d’être les seuls à contester la décision du président turc Erdogan de faire basculer le statut de musée de l’ex-basilique au statut de mosquée.
L’avalanche de réactions internationales
Samedi, L’Osservatore Romano, le quotidien du Vatican, avait énuméré de manière factuelle les principales réactions internationales, dans un article intitulé : « Sainte-Sophie, de musée à mosquée ». Washington s’était dit « déçu » et Paris avait « déploré » la décision turque.
De son côté, le Conseil oecuménique des Eglises, qui réunit environ 350 églises chrétiennes, a exprimé samedi son « chagrin et consternation ». Le gouvernement grec avait, lui, condamné « avec la plus grande fermeté » la décision turque, la qualifiant de « provocation envers le monde civilisé », avant d’ajouter que « le nationalisme dont fait preuve le président Erdogan ramène son pays six siècles en arrière ».
Le mois dernier, le patriarche Bartholomée des chrétiens orthodoxes de Constantinople a averti que la conversion de Sainte-Sophie en mosquée pourrait « tourner des millions de chrétiens dans le monde contre l’islam ».
Dimanche, Mgr Hieronymos, le chef de l’Eglise orthodoxe grecque a dénoncé « l’instrumentalisation de la religion à des fins partisanes ou géopolitiques ».
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La position ferme du président turc
« Ceux qui ne bronchent pas contre l’islamophobie dans leurs propres pays […] attaquent la volonté de la Turquie d’user de ses droits souverains », a déclaré, samedi, le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d’une cérémonie en visio-conférence.
« Nous avons pris cette décision non pas par rapport à ce que les autres disent mais par rapport à nos droits, comme nous l’avons fait en Syrie, en Libye et ailleurs », a-t-il ajouté.
Vendredi, le Conseil d’Etat, plus haut tribunal administratif de Turquie, a fait suite à la requête de plusieurs associations en révoquant une mesure gouvernementale de 1934 attribuant à Sainte-Sophie le statut de musée.
Peu après le verdict, Erdogan a annoncé que Sainte-Sophie serait ouverte aux prières musulmanes en tant que mosquée le vendredi 24 juillet.
Rappel historique
Sainte-Sophie est considérée comme une oeuvre architecturale majeure. Construite au VIe siècle par les Byzantins qui y couronnaient leurs empereurs, Sainte-Sophie est un site classé au patrimoine mondial par l’Unesco. Elle est l’une des principales attractions touristiques d’Istanbul avec quelque 3,8 millions de visiteurs en 2019. À noter que la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée ne fera pas entrave à sa visite pas les touristes de toutes les confessions.
Convertie en mosquée après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, la basilique Sainte-Sophie a été transformée en musée en 1934 par le dirigeant de la jeune République turque, Mustafa Kemal, souhaitant « l’offrir à l’humanité ».
Depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP, le parti islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan, en 2002, la ré-islamisation de l’ex-basilique Sainte-Sophie devenue musée, était un des chevaux de bataille des milieux religieux turcs.
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