Conflit en Palestine : des donateurs menacent des universités américaines
Sous la pression de donateurs exigeant un soutien plus marqué envers Israël, les universités américaines sont confrontées à un dilemme délicat, cherchant à équilibrer cet engagement tout en préservant la liberté d’expression au milieu des vives passions suscitées par le conflit au Proche-Orient.
Plusieurs grandes fortunes américaines ont récemment envisagé de retirer leur soutien financier à des institutions universitaires renommées telles qu’Harvard à Boston et l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie. La fondation du milliardaire Les Wexner, qui promeut la formation de leaders de la communauté juive aux États-Unis, a franchi le pas en mettant fin à son partenariat avec la Harvard Kennedy School. Cette décision fait suite à ce qu’elle considère comme « l’échec lamentable de la direction de Harvard à prendre une position claire et sans équivoque contre les meurtres barbares de civils israéliens innocents ».
Des rapports des médias américains révèlent que d’autres donateurs importants d’Harvard, tels que Kenneth Griffin, PDG du fonds d’investissement Citadel, qui a fait don de 350 millions de dollars en 2023, ou Ronald Lauder, héritier du groupe de cosmétiques Estée Lauder et bienfaiteur de l’Université de Pennsylvanie, ont également exprimé leur insatisfaction.
Au sein même de la prestigieuse université, les débats ont tourné à la campagne d’intimidation dès les premiers jours de la vague de violence au Proche-Orient. Un camion publicitaire a diffusé les noms d’étudiants dont l’association avait condamné la politique israélienne sous la bannière « Les plus grands antisémites de Harvard ».
Préserver la liberté d’expression
Cette situation place les présidents d’université dans une position difficile, avec des pressions pour qu’ils prennent position de manière plus rapide et plus ferme. Cependant, certains affirment que la diversité des points de vue sur les campus rend impossible l’adoption d’une position institutionnelle sur des questions aussi complexes. Toutefois, Harvard avait cédé à une pression similaire en début d’année en bloquant le recrutement l’ancien directeur de l’ONG Human Rights Watch. Kenneth Roth, qui devait prendre un poste de chercheur principal, s’était vu reprocher les critiques de HRW, notamment l’usage du mot « Apartheid » pour qualifier la politique israélienne.
La question de la liberté d’expression est également au cœur de ce débat. Si les critiques visent Harvard, elles touchent également d’autres institutions telles que Stanford et Columbia, qui sont sommées de prendre leurs distances avec des groupes d’étudiants pro-palestiniens accusant Israël de commettre un « génocide ». Parallèlement, des collectifs de professeurs se sont mobilisés pour protéger les étudiants harcelés en ligne en raison de leur soutien présumé à des positions critiques envers Israël.
Le financement de l’éducation en question
Aux États-Unis, la liberté d’expression est un principe fermement protégé, et de nombreux campus s’inspirent des recommandations du « comité Kalven » de 1967, qui prônait que les universités favorisent la diversité des opinions plutôt que de prendre position.
Pour certains observateurs, les pressions des donateurs vont à l’encontre des objectifs fondamentaux de l’enseignement supérieur, qui visent à promouvoir la recherche libre et le libre-échange d’idées. Ces pressions s’intensifient également en raison du désinvestissement public dans l’éducation supérieure. Une situation qui rend les établissements universitaires plus dépendants des donateurs privés. Bien que cette situation touche principalement des universités moins fortunées qu’Harvard, qui dispose d’un fonds de dotation de 50 milliards de dollars, elle soulève des questions essentielles sur le financement de l’enseignement supérieur et la liberté académique.