Condamnée aux Prud’hommes, France Télévisions ne veut pas réintégrer la journaliste Wafa Dahman

 Condamnée aux Prud’hommes, France Télévisions ne veut pas réintégrer la journaliste Wafa Dahman

Wafa Dahman, co-fondatrice de radio salam, journaliste.

Originaire de Lyon, Wafa Dahman est journaliste. Pendant dix ans, elle a travaillé pour France 3, parcourant une bonne partie de l’Hexagone, d’hôtel en hôtel, courant après des remplacements, parfois pour une toute petite journée de boulot. Engagée de 2004 à 2014 dans 38 bureaux de France 3, elle a accumulé près de 500 contrats, avant d’être évincée de la télévision publique.

 

En plus des Prud’hommes, elle a porté plainte au pénal contre la présidente de la société nationale et du directeur des ressources humaines pour « discrimination, harcèlement et abus de CDD ». En mars 2018, en première instance, France Télévisions est condamnée pour abus de CDD, relaxée pour les deux autres chefs d’accusation. Pourtant, Wafa Dahman n’a toujours pas été réintégrée à France Télévisions. Entretien.

LCDL : La justice a condamné France télévisions pour abus de CDD et a requalifié vos CDD en CDI. Pourtant, vous n’avez pas été réintégrée à France Télévisions. Comment l’expliquez-vous ?

Wafa Dahman : J’ai engagé deux actions judiciaires, l’une aux Prud’hommes, et l’autre au pénal. Et effectivement, j’ai été déconcertée par la décision des Prud’hommes, qui ont reconduit mes 450 CDD en CDI mais en laissant le choix à mon employeur de poursuivre ou pas le contrat de travail. Nous étions trois collègues à avoir obtenu cette décision ; et France Télévisions a choisi d’embaucher mes deux amis hommes la veille de l’audience au Pénal pour me laisser seule devant les juges ! Pour France Télévisions, je suis devenue le symbole de cette ténacité et la seule façon de me briser est de refuser de m’accorder un poste comme pour les autres.

France télévisions a été relaxée pour discrimination et harcèlement …

Oui, au pénal, j’ai attaqué la chaine publique pour abus de CDD aggravé par la discrimination et le harcèlement. Malheureusement pour moi, les faits de discrimination sont prescrits après 3 ans. Les juges n’ont donc pas pu étudier les insultes, les humiliations que j’ai subies. Par contre, France Télévisions a été condamnée pour abus de CDD. Ce qui est une première, un arrêt qui va bénéficier à tous les CDD qui saisiront les tribunaux. Un arrêt qui met à mal l’entreprise publique puisque leurs avocats se sont pourvus en cassation…

Vous semblez très déçue malgré cette victoire …

Cela fait 8 ans que je me bats. J’ai voulu croire que la justice était juste, mais ce n’est pas le cas. La discrimination dérange, les juges sont mal à l’aise. Dans mon dossier, France télévisions n’a apporté aucune explication à mon interdiction de travailler après plus de 1800 jours et 10 ans de collaboration. Et même le fait de donner un CDI à temps plein à mes collègues en me mettant de côté n’a pas été perçu par les juges comme une discrimination supplémentaire. Alors que c’est exactement la définition de la discrimination, un traitement différencié injustifié. Je suis heureuse pour mes collègues qui sont pères de famille et qui avaient besoin de stabilité professionnelle. Mais je suis en colère contre l’injustice que je subis depuis si longtemps, dans l’indifférence.

Comment expliquez-vous ce traitement différencié entre vos deux collègues hommes et vous-même ?

Je ne peux pas comprendre que Mme Ernotte, présidente d’un groupe aussi important soit complice des agissements de ses responsables DRH. Elle qui dénonçait à son arrivée à la tête de France Télévisions que l’institution était dirigée par des hommes blancs de plus de 50 ans, ne peut ignorer mon dossier. Elle a été convoquée devant le tribunal correctionnel, mais elle ne s’est pas présentée.

Vous vous êtes pourvue en cassation …

Oui, parce que je dénonce la décision du tribunal des Prud’hommes qui reconnait l’abus de CDD et a requalifié mes contrats en CDI mais en laissant le choix à France Télévisions de poursuivre ou pas mon contrat de travail. C’est une décision qui n’a ni queue ni tête. Pourquoi avoir un CDI si je ne peux pas travailler ?

Que demandez-vous aujourd’hui ?

Je demande l’équité, l’égalité de traitement. Je veux être traitée comme mes deux confrères, c’est-à-dire avoir un poste et le rappel de mes salaires. Rien de plus, Rien de moins. Je continuerai à me battre pour la justice ou plutôt contre l’injustice.

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