Commémorations de l’assassinat de Farhat Hached sur fond de récupération politique

 Commémorations de l’assassinat de Farhat Hached sur fond de récupération politique

En présidant hier 5 décembre la cérémonie commémorant le 71ème anniversaire de l’assassinat du leader syndicaliste Farhat Hached par l’ancien occupant français, le président de la République Kais Saïed a, comme il le fait souvent, profité de l’évènement pour l’exploiter à des fins politiques, en l’occurrence dans le bras de fer qui l’oppose ces derniers mois à la centrale syndicale UGTT.

 

Le président Saïed a déposé une gerbe de fleurs sur la tombe du martyr, avant de réciter la Fatiha en mémoire du défunt leader syndicaliste. Il a aussi échangé avec des membres de la famille du martyr, évoquant ses luttes et son engagement en faveur de la défense de la patrie, se remémorant une partie de l’histoire du mouvement syndical national qui a joué un rôle clé dans la décolonisation du pays. Mais passé ce rituel d’usage, on entrait dans le vif du sujet plus politicien à l’ordre du jour.

 

Passe d’armes tendue

Car la commémoration au mausolée du martyr à la Kasbah à Tunis avait cette année une teneur bien particulière. En présence de membres de sa famille dont notamment son fils Noureddine Hached, mais surtout du secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi ainsi que des membres du bureau exécutif de la centrale syndicale, le chef de l’Etat a parlé pendant de longues minutes (45 minutes de vidéo sur la page officielle de la présidence) sans qu’à aucun moment ce monologue ne brise la glace entre lui et le numéro 1 de l’UGTT.

« Certains éléments font tout pour jouer la carte du pourrissement et entraver le travail des entreprises publiques et des institutions de l’Etat », a notamment insinué Kais Saïed, allusion au récentes grèves mais aussi aux arrestations de figures syndicalistes régionales importantes, un pas que le pouvoir n’avait pas osé franchir avant le coup de force constitutionnel de juillet 2021. L’échange tendu et à sens unique a par ailleurs été l’occasion pour le président Saïed, décidément féru d’Histoire, de revenir sur les choix de l’Etat tunisien en matière de modèle économique remontant à 1986, du temps du ministre de Bourguiba, Hédi Nouira, qui a « tout fait pour pousser une politique de privatisation ».

De son côté, Noureddine Hached, a quant à lui informé le président de la République que la maison de son père sur l’île de Kerkennah a été cédée à l’UGTT pour la transformer en un musée dédié à Farhat Hached, une fois obtenu le consentement de tous les membres de sa famille.

Saïed s’est ensuite rendu à Radès, où il a inauguré le monument commémoratif à l’endroit où le leader national Farhat Hached a été assassiné. Semblant plus préoccupé par une réécriture de l’Histoire immortalisée par ses propres monuments portant la mention de son nom, le président Saïed n’aura consacré au total que quelques minutes pour parler de la pire crise de l’histoire de la compagnie aérienne nationale Tunisair, menacée par un vaste plan de restructuration. « Un dossier qui se discute plutôt à la table des négociations avec les syndicats, et non au hasard d’une rencontre furtive avec le chef de l’UGTT », fustige aujourd’hui le Front du salut, principale formation d’opposition non représentée au Parlement.