Cinq mois après la mort de son fils en prison : « C’est inadmissible que les surveillants soient toujours en fonction »
Mehdi Berroukeche avait trouvé un CDI, un appartement et il comptait se marier. Il a été tué dans la nuit du 28 au 29 décembre 2022 par son codétenu avec qui il partageait une cellule depuis seulement 24h et qui était atteint de troubles psychologiques.
Cinq mois après la mort de ce jeune homme de 25 ans à la prison de La Talaudière, à proximité de Saint-Étienne, sa mère, Sarah Ribeiro continue de remuer ciel et terre pour que son fils ne tombe pas dans l’oubli. Une mort qui aurait pu être évitée selon elle. Sarah Ribeiro pointe notamment la responsabilité des surveillants.
Son fils bénéficiait d’un régime de semi-liberté et devait sortir de prison en avril prochain. Il est à décédé à l’hôpital à la suite d’une hémorragie cérébrale. Une enquête puis une information judiciaire pour « homicide volontaire » a été ouverte et un juge d’instruction a été saisi pour faire la lumière sur ce terrible drame. Le codétenu responsable de sa mort a été mis en examen pour meurtre et placé en détention dans une autre prison.
LCDL : Le syndicat Force Ouvrière (FO) affirme qu’aussitôt alertés de l’agression de votre fils, les surveillants, qui se trouvaient à la maison d’arrêt situé à plusieurs centaines de mètres de ce quartier qui n’est pas surveillé la nuit, se sont rendus sur les lieux…
Sarah Ribeiro : Ce n’est pas ce que les autres détenus m’ont dit. Pendant près d’une heure, ces derniers, et ils étaient une trentaine, frappaient à la porte et criaient « Mirador, surveillants » pour que les agents interviennent. En vain : personne n’est venu.
Pourquoi les surveillants ont mis près d’une heure à intervenir ? Et pourquoi ont-ils mis plus de 10 heures à appeler la police ? Pendant une heure, le meurtrier s’est acharné sur mon fils. Il lui a sauté dessus lors de son sommeil, lui a découpé le contour des yeux, lui a fait un sourire à la Joker avant de lui exploser la tête plusieurs fois contre le mur.
La compagne de mon fils a été prévenue du drame par d’autres détenus. C’est elle qui m’a appelée, pas l’administration pénitentiaire. Le directeur de la prison a attendu quatre jours pour me contacter…
Vous pointez également du doigt la responsabilité de l’unité sanitaire de soins…
Oui. L’assassin de mon fils était dans une unité psychiatrique de la prison. Les médecins ont jugé qu’il était apte à sortir. Pour sa première nuit hors de l’unité psychiatrique, il a été placé avec mon fils dans une cellule dans le quartier de semi-liberté qui accueille des détenus en fin de peine. Et c’est lors de cette première nuit qu’il a commis cet acte barbare. Il a donc été mal évalué par les médecins. Ils ont sous-estimé sa dangerosité, il aurait dû être placé dans une cellule individuelle.
Pourquoi mon fils s’est-il retrouvé avec ce détenu dont le profil psychologique est instable ? Ce n’est pas parce qu’on ferme des hôpitaux psychiatriques qu’on doit mettre ce genre d’individus avec les autres détenus lambdas. Les surveillants de prison ne sont pas formés pour suivre quelqu’un qui a des antécédents psychiatriques. La place d’un fou est en psychiatrie. Avec du recul, j’imagine le carnage qu’il aurait pu commettre s’il avait été remis en liberté…
Vous dites que votre fils a tout de suite senti que quelque chose n’allait pas avec ce codétenu…
Effectivement. Il a demandé au surveillant de changer de cellule mais ce dernier a refusé. Quelques heures avant sa mort, le 28 décembre, mon fils a rendu visite à son père. Il s’est plaint de son codétenu. Il lui a dit qu’il ne le sentait pas.
Qu’espérez-vous aujourd’hui ?
Je trouve inadmissible que les quatre surveillants qui étaient en poste le soir du drame soient toujours en fonction. Je rappelle que quand une personne est placée entre les mains de l’administration pénitentiaire, on lui doit surveillance et sécurité or, concernant le cas de mon fils, il n’y a eu ni surveillance ni sécurité. J’ai déposé plainte contre eux pour « non-assistance à personne en danger » et « mise en danger de la vie d’autrui ». J’ai fourni à la justice les témoignages des autres détenus.
Je suis aide-soignante et si je commets une erreur médicale, je passe en conseil de discipline. Je ne veux plus que ces surveillants exercent parce que s’ils ont fauté avec mon enfant, ils peuvent le faire avec d’autres. Je n’ai pas envie que d’autres mamans puissent vivre ce que j’ai vécu. Et puis, je tiens à rappeler que depuis 2018, il y a eu 14 décès dans cette prison. C’est bien la preuve qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cet établissement.