Cinéma. Tilo Koto, la réalité du voyage
C’est le 15 décembre que sort Tilo Koto. Un film co-produit par Rachid Bouchareb et consacré au traumatisme de ces « voyageurs » qui tentent de rejoindre l’Europe.
La torture, l’esclavage, le racket, les violences. Cette souffrance, Yancouba Badji la raconte face à la caméra de Sophie Bachelier et Valérie Malek et la projette sur ses toiles. Les mots sont rares, c’est par la peinture qu’il exprime toutes ces violences dont il a été victime ou témoin. Une manière de faire comprendre ce qu’il n’a plus la force de dire. Besoin de créer toujours. « Après ce que je venais de vivre, c’était le moment de dire mes colères, mes maux ».
Aujourd’hui, Yancouba Badji expose son travail dans des centres d’art contemporain et cherche à réunir des fonds pour son projet en Casamance. En mandingue, « Tilo Koto » cela signifie « sous le soleil ». C’est le nom du film mais aussi de ce projet porté par Yancouba Badji : un centre culturel pour la jeunesse situé à Goudomp, en Casamance, « sur le terrain que nous avait laissé notre père ».
Il veut aussi « faire passer le message » à cette jeunesse. « Si j’avais su ce qu’il se passe en Libye, je n’y serai jamais allé. Il faut que les jeunes voient la réalité du voyage ». Trop de mensonges sur le chemin de la Libye pour accéder à l’Europe, « le chemin clandestin est mauvais », comme il le fredonne dans le film.
Yancouba Badji raconte la torture dans les prisons libyennes, la traite des femmes, leurs prostitutions pour un pot de yaourt ou un morceau de pain. Il évoque aussi « le bateau du diable », ces embarcations de fortune qu’il aura empruntées quatre fois pour tenter de rejoindre le vieux continent.
Neuf mois d’horreur
Le film naît grâce à l’alerte lancée par le docteur Mongi Slim, responsable régional du Croissant Rouge tunisien. « À Médenine, à quelques kilomètres de la frontière libyenne, le centre Al Hamdi est débordé, les jeunes affluent, ils fuient la Libye. Il faut venir recueillir ces témoignages terribles », écrit-il aux réalisatrices.
Dans ce centre, Sophie Bachelier et Valérie Malek vont faire la rencontre de Yancouba Badji. Cet homme a quitté la Gambie où il travaillait depuis dix-sept ans après avoir fui la guerre en Casamance. Il a rejoint le Mali en bus puis traversé le Burkina Faso jusqu’au Niger. Il finit par rejoindre la Libye où il vivra neuf mois d’horreur.
Il tente de fuir à quatre reprises, vers l’Italie, avant d’être arrêté par la marine tunisienne et conduit au centre de Médenine. Pas facile ensuite d’accepter de rentrer au pays, « les poches vides », de décider de cesser ce « voyage absurde ». Son retour sera rendu possible grâce à l’aide de l’Organisation internationale pour les migrations.
Une exposition des œuvres peintes de Yancouba Badji aura lieu à la galerie Talmart (22, rue du Cloître Saint-Merri, 75004 Paris), du 23 décembre 2021 au 15 janvier 2022.
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