Cinéma. Le parcours du combattant de Nora el Hourch pour sortir « HLM Pussy »
Nora El Hourch a mis dix ans pour accoucher de son premier long métrage. Une décennie où malgré les obstacles, elle n’a jamais douté. « Je n’ai pas fait d’école de cinéma. Je n’avais pas les codes mais je n’ai rien lâché », dit la réalisatrice de 36 ans, originaire d’Angers.
Son film, c’est HLM Pussy. Le film raconte comment une relation d’amitié entre trois adolescentes s’écorne après un événement qui va toucher l’une d’entre elles. HLM Pussy sort ce mercredi (6 mars). Interview.
LCDL : Après un court métrage très remarqué en 2015 (Ndlr : film sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes), vous revenez avec un long métrage près de dix ans après. Un peu de stress à J-3 ?
Nora El Hourch : Aucun stress. J’ai fait le maximum. Il arrivera ce qui arrivera. Ça reste du cinéma. Il y a des choses bien plus graves dans la vie. Vous savez : je n’ai pas fait d’école de cinéma, j’étais serveuse ces cinq dernières années, alors je profite de chaque instant, de ces beaux moments. Une fois en salles, le film appartient au public.
D’où vous est venue l’idée de ce film ?
J’ai été victime d’une agression sexuelle à 20 ans. J’aurais pu écrire un livre mais j’ai préféré en faire un film. Aujourd’hui , je m’adresse aux petites filles partout dans le monde qui peut-être grâce à mon film trouveront le courage de parler…
Le film n’est pas encore sorti et déjà la fachosphère s’excite…
Oui. J’ai reçu des tas de messages de haine de la part de personnes qui n’ont pourtant pas encore vu le film. La forte présence d’actrices et d’acteurs avec des noms à consonance arabe et africaine dans mon film doit les angoisser. Ce n’est pas une surprise. D’autres avant moi et , – d’autres après moi – subissent les foudres de la fachosphère. Cela ne m’empêchera pas de continuer à faire des films, enfin si les financements suivent…
Dix ans pour faire un film, c’est long…
Oui. On aurait bien sûr aimé le sortir avant, mais on a eu du mal à le financer. Nous ne sommes pas les seuls bien sûr à avoir vécu cela. Quand tu penses que parfois une seule personne peut décider du sort de ton film !
Certains « décideurs » m’ont dit que l’élément déclencheur du film ne pouvait pas être un seul baiser non consenti. Il fallait que cela soit plus trash, comme un viol par exemple. J’ai insisté en répétant qu’un baiser forcé est une agression.
Au final, nous avons fait ce film avec un tout petit budget. Il a fallu tout faire vite : la préparation du film s’est faite en mois, comme le tournage et comme le montage. Trois mois pour tout boucler, c’est très court.
Parfois, quand toutes les portes se ferment les unes après les autres, c’est difficile de rester optimiste. Heureusement que j’étais bien entourée…
Et sur le tournage, comment était l’ambiance ?
Magnifique. Je n’aurais pas pu rêver meilleure équipe. Nous avons travaillé en étant tous bienveillants les uns envers les autres. Surtout, tous ont accepté d’être payés au SMIC. C’était la seule solution pour que le film puisse se faire. Je ne les remercierai jamais assez.
Le film a été projeté dans de nombreux festivals. Vous avez fait plusieurs avant-premières. Comment a-t-il été accueilli ?
Très bien. Beaucoup m’ont dit qu’il s’attendait, vu le titre, à un film rempli de clichés et qu’ils ont été agréablement surpris.
Vos parents ont-ils vu le film ?
Mon père ne l’a pas encore vu. Ma mère est venue à une projection à La Baule. Il y avait beaucoup d’émotion ce jour-là. J’ai vu de la fierté dans ses yeux. C’est le principal. Aucun membre de ma famille ne fréquente le milieu du cinéma. Ils ne réalisent pas forcément bien encore ce que j’ai accompli.
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